Dans les années 90, on parlait de la transformation de la RATP, d’Air France, de France Télécom, comme de succès. D’administrations, elles étaient devenues de « vraies entreprises ». Elles étaient performantes. Et cette performance avait été obtenue par la mobilisation de leurs personnels. L’optimum économique était humain.
Aujourd’hui, j’ai l’impression que l’entreprise française est retombée dans ses travers. Bureaucratie, clientélisme, lutte des classes… Ai-je tort ? Raison ? Qu’est-ce qui s’est passé ? J’ai eu envie de poser ces questions à Christian Kozar, qui a été la cheville ouvrière de plusieurs succès retentissants.
Christian Kozar en d'autres temps (Le son est ici : http://www.dailymotion.com/video/xfd96w_air-france_news) |
Pourquoi ce qui marchait hier ne marche-t-il plus aujourd’hui ?
Pas mal de choses ont changé et rendent aujourd’hui les changements plus difficiles je pense, qu’il y a dix ou vingt ans. Tout d’abord, il y a la peur du chômage qui a durci les salariés. Il y a aussi le développement d’un « effet tribu ». Ce qui signifie qu’il y a beaucoup moins d’esprit d’équipe, et réapparition des corporatismes. Ensuite, comme on le voit chez Air France, les élus et les politiques entrent très vite dans le jeu. Et les conflits sont très vite relayés par les médias. Tout cela complique le travail du dirigeant.
Le changement est-il devenu impossible ?
Non. Le blocage du changement tient à quelques problèmes que l’on pourrait éviter.
On veut faire du neuf avec du vieux, on essaie d’améliorer ce qui ne marche plus. Par exemple on essaie de faire rivaliser Air France avec Ryan Air. Mais c’est impossible. Il faut construire la stratégie d’Air France à partir de ses particularités, non en les niant !
J’aime raconter l’histoire suivante. Seattle était une ville en bois. Elle faisait la fortune des menuisiers. Elle a brûlé. La mairie a voulu la reconstruire en dur. Les menuisiers ont cherché à se reconvertir. Ils ont échoué. Sauf un. Il s’est demandé ce qu’un menuisier pouvait faire d’autre que des maisons. Des avions. C’était William Boeing.
Seconde erreur. Le patron se croit toujours de droit divin. Il pense qu’il suffit d’ordonner de déposer un dossier sur la table, ouvrir des négociations avec les syndicats… pour être obéi. Ce temps est terminé car les moyens dont disposait le patron il y a seulement vingt ans ont disparu. Aujourd’hui le seul levier reste le « donner envie »
Comment transformer l’entreprise ?
Je constate que les gens sont stressés, mais compétents. Ils sont même plus compétents que de mon temps, contrairement à ce que l’on dit. Mais, il faut donner envie. Et il faut partir d’en bas. Aucun syndicat n’ira contre la base. C’est en mobilisant l’entreprise que l’on réussit. Les syndicats entérinent toujours la volonté de la base, l’inverse n’étant pas certain. C’est comme cela que nous avons fait. Et c’est toujours comme cela qu’il faut procéder.
Christian Blanc disait que ce qui le rendait efficace lorsqu’il négociait avec les syndicats, c’est qu’il aimait écouter les gens. Si bien que ses négociations ne tournaient jamais mal. Et si l’on ratait le changement parce que l’on n’aimait plus les gens ?
C’est exactement cela. On veut remplacer l’homme par le robot. On ne parle plus que d’intelligence artificielle… On ne se voit plus, on s’envoie des tweets et on met tout le monde en copie. On n’aime plus assez les gens. Tout est là et tout est lié.
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