On m'a demandé mon avis sur la génération Y. J'ai été sec. Voici pourquoi :
En début d'année, j’ai entamé une enquête sur le sujet, mais je n’ai pas eu le temps de la finir. J'ai été débordé par la tâche...
Mon point de départ était double. D’une part j’entendais dire que la génération Y était composée d’extraterrestres, alors que les jeunes à qui j’enseigne ou que je rencontre, dans ma famille ou chez mes amis, me semblent tout à fait normaux. D’autre part, j’ai mené une mission pour une agence médias sociaux, qui m’a parlé de nouveaux types de comportements. Mais cette observation ne l’avait amenée à aucune pratique rémunératrice. J’ai donc commencé une étude à la fois documentaire et par interviews de DRH. Mon intérêt pour le DRH vient de ce que mon sujet d’étude est l’entreprise, et qu’il a une vue globale de ce qui s’y passe.
Les interviews se sont révélées beaucoup plus longues que prévu. En effet, le sujet amène naturellement à évoquer les transformations de l’entreprise, et de la société en général. Je me suis arrêté sans même avoir le temps de rédiger tous les comptes-rendus de ces entretiens. Ce que je retiens de ce travail est que ce que l’on dit de la génération Y est généralement juste, mais pas les conclusions que l’on en tire. Les études publiées sur le sujet vont dans cette direction.
La génération Y est faite de gens comme vous et moi. Son comportement correspond à une adaptation aux circonstances du moment. Et les générations précédentes ne sont pas en rupture avec elle : à quelques dinosaures près, elles aussi se sont adaptées. Dans certains cas, elles peuvent même être plus Y que les Y. (Par exemple, elles abordent les technologies de l’information avec beaucoup plus de rigueur que la génération Y.) Une partie de ce que l’on dit de la génération Y serait du fantasme ou du marketing. Cela arrangerait beaucoup de monde qu’une nouvelle génération surgisse, qui résolve sans effort nos problèmes. Par exemple beaucoup de dirigeants rêvent de jeunes hyperconnectés qu’ils dirigeraient sans intermédiaires, d’où grosses économies, et qui non seulement comprendraient instantanément les besoins du marché, mais leur obéiraient au doigt et à l’œil. Beaucoup de vendeurs rêvent d’un marché qui leur ouvrirait les bras. Idem pour les politiciens. A l’envers, ce qu’on reproche à la génération Y semble simplement être qu’elle nous met en face de nos propres échecs. La génération Y suit la ligne qu’on lui a inculquée, et elle aboutit à un cul de sac.
(Par ailleurs, y a-t-il une "génération" Y ? On me parle d'au moins deux populations : une "globale", l'autre "banlieue". C'est la naissance qui serait le déterminant de l'appartenance à l'une ou l'autre. Défaite de la Révolution et de 200 ans d'efforts pour remplacer la naissance par le talent ?)
Mais, tout cela n'est pas très scientifique.
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