Pour des raisons pratiques j'essaie de savoir ce qu'est la géométrie algébrique. Je pourrais peut-être me plonger dans des cours. Qui sait, j'y comprendrais peut-être quelque-chose ? Mais je pense que m'enliser dans les détails me ferait rater la proie pour l'ombre. C'est un enseignement que j'ai tiré de l'époque où je m'occupais d'algorithmes pour Dassault Systèmes.
La conjecture de Faurie
Mon intuition du moment est que l'objet de la géométrie algébrique est de ramener des choses qui ne sont pas naturelles, les entiers, pleins de trous, à d'autres qui le sont plus, les espaces, sans trous. C'est comme cela que j'interprète les conjectures de Weil. On procède comme dans la vie. Dans la vie, on remplace un phénomène représenté par un mot abstrait - soleil, arc en ciel, voiture... - par les différents points de vue que l'on a de lui. On substitue, par exemple, au "tableau" ce qu'en disent ceux qui le regardent. Et de ces points de vue, qui peuvent remplir des livres et des livres, surgit une idée : la nature "systémique" de la dite chose. "Sa structure.""Ce que c'est." Le peintre n'a pas voulu seulement représenter Louis XIV chassant en forêt, la pluie venant de cesser, l'éclaircie déchirant les nuages, il nous a transmis un message. Quelque chose de l'âme de la société à laquelle il appartenait. Un peu comme un haïku. Le mot "arc en ciel", exemple plus prosaïque, sera remplacé par une équation supposée le représenter (Newton, Airy...)...
Il y a une histoire d'Edgar Poe qui illustre ce que je veux dire. Un
crime est commis. On interroge des témoins auditifs. Chacun identifie
une langue différente. Conclusion : ce n'est pas un homme. C'est un
singe. Des observations multiples, on est passé au "système",
explication unique des observations : le singe.
En géométrie algébrique, on remplace des entités "artificielles" "de dimension 0", appelées "schémas", par un ensemble de fonctions définies sur ces entités, appelées "faisceaux". Et, par une nouvelle transformation, on va à nouveau trouver quelque-chose de "dimension 0". C'est la "signification" du phénomène que l'on cherchait à comprendre. La propriété. La conjecture de Fermat, son "grand théorème", est juste, par exemple. Miraculeux : on a démontré sans calculer !
Les mathématiques courent après la nature
En conséquence, je ne pense pas que la nature soit mathématique. C'est la mathématique qui court après la nature. La mathématique est le propre de l'homme. Il construit un monde artificiel avec des maths. Mais ce monde n'est pas tout. De temps à autre, un événement imprévu survient. Un tsunami par exemple. Et boum, Fukushima. Alors l'homme revoit ses calculs. Il invente de nouvelles techniques. Dernière métaphore. Celle du bateau. Personne ne prétendra qu'un bateau a quoi que ce soit de naturel. Un bateau est bâti à coups de techniques et d'équations. Quand il flotte, tout va bien. Quand il joue les Titanic, on invente de nouvelles équations, en faisant avancer nos techniques. Le monde humain est comme ce bateau. Il navigue au milieu d'éléments qu'il ne connaît pas. Et qui ne sont probablement pas connaissables. Parce qu'ils s'inventent en permanence. Alors nous devons changer. Ou couler.
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