Ce matin j'entendais une "Française issue de l'immigration" raconter son parcours initiatique. Une famille nombreuse dont tous les enfants font des études brillantes. Un besoin d'affirmation de soi, dans le melting pot de la banlieue française, qui prend des aspects divers selon les personnalités et les circonstances. Pour elle ce sera le port du voile dès 1986. Il y a aussi la découverte que ses parents ne sont pas ceux qu'elle pense. Ils sont porteurs d'une richesse culturelle (soufisme) subtile et qui vient de loin. Et peut-être aussi d'un rêve. Que leurs enfants aient accès à une sorte de paradis terrestre, dont la clé est l'éducation.
J'aurais pu reconnaître l'histoire de ma famille. Le monde d'après guerre a fait un rêve. Celui d'une société pacifiée, qui garantirait à tous des conditions de vie qui leur permettraient de s'épanouir. Ce n'était pas le cours de l'Histoire qui ferait ce paradis terrestre, mais la volonté des hommes. Le paradis est un équilibre dynamique, comme la Hollande, gagnée sur la mer, à coups de digues ! Une volonté, en particulier, qui assurerait le "plein emploi", par une lutte de tous les instants. Mais, à partir de 68 ?, une nouvelle narration est apparue. Celle de la lutte des classes. Nos parents ne furent plus des héros qui préparaient une société nouvelle, mais des "ouvriers", des pauvres. Ce qui voulait dire, selon les besoins de la cause, des marginaux losers ou des beaufs colonialistes. D'où, aussi, "déréglementation" : nos élites, en premier, ne se sentaient plus aucune contrainte vis à vis des obligations que sous-entendait le maintien en fonctionnement de notre paradis terrestre. (A l'étage mondial, ses digues étaient les accords de Bretton Woods.) Elles pouvaient profiter de la position que leur avait donnée la société, sans assurer le rôle qui allait avec. Elles affirmaient qu'elle était due à leur mérite exclusif (nous sommes "l'élite"). On a laissé le chômage s'installer (en expliquant que la performance de l'économie le demandait !), les trains arriver en retard, ou ne plus arriver du tout... Le rêve du paradis terrestre a été remplacé par celui de la paresse, du "laisser faire". Et à son cortège de bons sentiments, dont l'objet est de justifier un statu quo confortable pour certains.
Et nous, quel rêve aurons-nous pour nos enfants ?
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