vendredi 9 août 2013

Clémenceau

« Homme d’affrontement, qui n’est lui-même que dans le conflit », Clémenceau ressemble à ces anarchistes ou ces révolutionnaires qui passèrent leur vie à défier la société. Il connaît la prison très jeune, il est toujours endetté, il va de combat en combat, c’est d’ailleurs un duelliste redouté, et un tribun sans égal. Et il ne cherche pas le pouvoir. Pendant longtemps il est celui qui fait tomber les ministères. Il n’arrive au gouvernement qu’âgé. Il s’est fait énormément d’ennemis. Mais lui n’a de rancœur vis-à-vis de personne. Il n’en veut qu’aux idées, pas aux hommes. Et il fait passer l’intérêt général avant tout.

C’est l’homme de l’affaire Dreyfus. Il est ministre de l’intérieur, « premier flic de France », à un moment où le « pays (est) en proie à l’agitation sociale et à la menace de désagrégation ». Car c’est alors que « l’unification (de la gauche socialiste) se produit sur la base radicale de la lutte des classes », qui légitime la violence comme moyen d'action. Puis il est « le père la victoire », en 17 au moment où la France et l’Etat major sont saisis par le défaitisme. Sa vie est aussi faite de revers. Pendant la Commune, il tente une conciliation. Il ne parvient ni à empêcher la peine de mort, ni à faire renoncer la France au colonialisme. Et les accords qu’il fait signer après guerre ne seront pas respectés.

Surtout, il semble avoir été pris dans une guerre fratricide. Lui-même va être le fléau de Gambetta et de Ferry, « conservateur déguisé en républicain ». Avant d’être pris à parti par Jaurès. « Le plus grand faux pas de la carrière de Clémenceau » aura été de ne pas parvenir à s’entendre avec le parti socialiste. Ce qui conduit « les socialistes (à prendre) le monopole de la revendication sociale, alors même que leur ligne révolutionnaire les éloignait du pouvoir ». « La gauche radicale n’a guère le sens social. » « Déjà s’amorce l’évolution qui fera du radicalisme le représentant attitré des classes moyennes, des petites villes et des villages mêmes. »

A quoi croyait-il ? à la liberté individuelle. Elle a pour condition la République, et le progrès (« confiance irrésistible dans l’idéal de la raison et des Lumières »).

Son idéal ? Individualiste farouche « contempteur de l’autorité », « il veut la République, toute la République, la République de Clémenceau c’est d’abord la liberté. » Liberté ? « (Ce qu’il veut faire dans ses écrits) : c’est chanter la vie, c’est magnifier l’action, c’est exalter la joie d’être, contre les philosophies et les religions de la misère et de la chute. » « La parole ne peut être que vain bruit, sans action. »

Sa stratégie ? « lutter contre les monopoles, les privilèges patronaux (…) préparer l’abolition graduelle du prolétariat (…) vieil idéal de la Révolution, celui du petit propriétaire libre. »

Le moyen ? « Le salut passait à ses yeux par la ville, l’instruction, les études » : « Ouvrir l’enfant aux sensations de vérité, de bonté, à la pitié des êtres, aux sentiments de compassion humaine, d’où jaillit le noble élan de secours. » « Délivrer l’homme de l’ignorance, l’affranchir du despotisme religieux, politique, économique et l’ayant affranchi, régler par la seule justice la liberté de son initiative, seconder par tous les moyens possibles le magnifique essor de ses facultés, accroître l’homme en un mot, en l’élevant toujours plus haut. » Le service militaire est « le prolongement de l’école ».

Ses combats en découlent : « défenseur de l’individu, de l’entreprise individuelle, il ne peut accepter le triomphe de l’individualisme. Car l’individu fait partie d’un corps social (...) en même temps, il ne peut accepter le communisme (…) l’individualisme absolu, expression de la barbarie, le socialisme collectiviste est un déni de l’individu, mais les responsabilités de l’Etat social doivent être reconnues. » « Il n’a d’ennemis que ceux qui violent la loi. »

Il croit au « droit des peuples ». Il aime la France parce qu’elle porte son idéal, c’est un  « grand peuple, celui qui avait allumé pour le monde entier la torche de la liberté. » « La France, autrefois soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de la liberté, toujours soldat de l’idéal. »

Le livre : WINOCK, Michel, Clémenceau, Librairie Académique Perrin, 2011.

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