Le succès initial de l'Ecole Centrale vient d'une croyance : il existe une science des entreprises (Saint Simonisme). En relisant ce billet ancien, il m'est venu une idée. Et si, après l'entreprise, on appliquait le même principe à la société ?
Je précise que l'idée n'est pas neuve. Von Bertalanffy, certainement avec beaucoup d'autres, pense que l'auto-destruction imminente de la société tient à l'absence d'une telle science.
Comment la constituer ?
- Son cœur n'est pas les sciences humaines, sortes d'art pour l'art (estimable, mais qui ne doit pas en rester là). La science à la sauce (initiale) Centrale ou Polytechnique a pour objet la résolution de problèmes, l'aide à l'action, pas une description plus ou moins béate.
- C'est une science "polytechnique" ou "pluridisciplinaire" au sens où, pour résoudre un problème, il faut une boîte à outils, et du talent.
- Comme le dit le pragmatisme, dont la constitution d'une telle science est probablement le projet, son principe premier est d'appliquer la démarche scientifique. Enquête, expérience, et vérification : est-ce que ça "marche" ? (Vérification humble, à validité limitée.)
- Ce n'est pas une science de la société, mais du "système". C'est-à-dire de ce qui différencie le vivant de l'inerte : "l'émergence". C'est une science qui prend le contre pied de celle qui a eu jusqu'ici le haut du pavé, et qui a pensé trouver l'explication ultime du monde dans une sorte d'individu primordial. Atome, quark, corde...
- C'est aussi une science de la raison (Lumières), ou de "l'intelligence" (pragmatisme). C'est l'éducation du conscient, néocortex, par opposition à l'inconscient.
- Nuance importante proposée par Herbert Simon : ce serait probablement une science de "l'artificiel". Par opposition à "sciences naturelles", lois de la nature évoluant sans l'homme, l'artificiel est ce que construit l'homme. Cette science a pour objet d'aider l'homme dans son travail de transformation de son environnement. Le rôle de l'homme, dans cette vision, est celui d'un catalyseur. Il fait franchir un niveau de complexité à la nature. (L'homme n'est donc pas le fléau de Dieu que croit l'écolo, mais occupe une fonction, irremplaçable et utile, au sein de la "nature".)
- Finalement, il est possible que la discipline fondamentale de cette science soit le changement. Il s'agit de tenter de maîtriser les (éventuels) mécanismes de transformation collective des systèmes (vivants). Le but de l'affaire étant de tirer parti de l'évolution de l'univers, sans la subir, et sans drames d'adaptation (crises du capitalisme, épidémies, guerres plus ou moins mondiales et autres calamités).
Cela nous amènera-t-il au nirvana ? L'arrivée de Dieu sur Terre que la "nouvelle économie" nous promettait, selon les Anglo-saxons ? Probablement pas. J'ai l'impression que nos sciences ont pour caractéristique de nous apporter des victoires sans lendemain. Mais, au moins, comme dans le film "Mon nom est personne", aurons-nous réalisé notre destin d'être raisonnables ?
(Un début de réflexion, ici.)
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