Comment juger le programme de M.Macron ? J'y cherche une vision stratégique. Une phrase qui expliquerait pourquoi ce que l'on a fait jusque là nous a mis dans la mélasse, et comment en prendre le contre-pied. Mais, si elle y était, on n'entendrait qu'elle... Cependant, il y a une autre façon de juger son programme : chercher si les ingrédients qui ont ruiné les politiques précédentes s'y trouvent.
Les formations que je donne et mes livres sont basés sur la multiplication d'exemples. Au début, je parlais d'exemples d'entreprises. Mais la France hait l'entreprise. Alors j'ai cherché ailleurs, notamment en politique. (Ce qui marche le mieux, c'est l'exemple tiré de la vie privée !) Il se trouve qu'il y'a un nombre considérable d'études (scientifiques) sur le sujet. Toutes disent que nos mesures ont donné le contraire de leurs objectifs. Il est assez facile de raccrocher nos maux majeurs, éducation, sort des immigrés, compétitivité économique, déficits, manque de logements, etc. à un tout petit nombre de décisions malheureuses.
Changement systémique
La particularité de ces mesures a été d'attaquer de front un lobby (les taxis, par exemple, pour Nicolas Sarkozy), mais en passant sous silence ce que signifiait la réforme (les taxis avaient tout à perdre). Leur conséquence imprévue a été un renforcement de ces lobbys, au détriment de certaines couches de la population. Inégalités scolaires, mais aussi inégalités de statut professionnel, par exemple entre fonctionnaire et non salarié. Soyons clair, le principe du changement en politique a été la lâcheté.
On a dit que si HP avait vendu des sushis, il aurait dit que c'était "du poisson mort, froid". L'art de la communication de M.Macron s'apparente à celui de HP. Il est courageux, mais inutilement. Il annonce que ses mesures vont faire des perdants ! Il ne leur dit même pas qu'un jour ils pourraient être gagnants. Il leur explique que c'est une perte mineure, dont on peut éventuellement attendre la récompense que Dieu accorde à une action charitable. Le principe de ses réformes ? Contrairement à notre tradition, il ne cherche pas à aligner les revenus de M.Arnault sur les miens. Plutôt, il veut gommer les différences de traitement flagrantes entre gens qui se ressemblent. Une forme contre-intuitive de justice sociale ?
Dans ces conditions, il aurait une "vision", mais elle ne serait pas exprimée. Il pense peut-être que si l'on redonne une chance à ceux qui se trouvent dans la mélasse, on disposera d'une source d'énergie considérable. (C'est ce que les économistes comportementaux les plus distingués appellent "nudge". L'art du coup de pouce.) C'est une vision qui l'apparente à Proudhon et aux radicaux, c'est à dire au courant de pensée qui a géré la France depuis Napoléon III jusqu'à de Gaulle.
Faire hurler
A ce point, j'en arrive à me demander si je ne suis pas injuste. Je dis toujours que le bon changement doit "faire hurler". Le présenter comme facile endort "l'anxiété de survie" nécessaire à sa réussite. Il est plus efficace d'en exagérer la difficulté. En masquant les effets vertueux qu'il attend de son changement, M.Macron ne peut que nous faire hurler. (Il serait suprêmement habile qu'il possède, dans sa manche, une mesure qui donne des résultats immédiats : si nous pensons que ses bénéfices résultent de notre action, cela créera une formidable dynamique de changement.)
Morale ? Ce qu'il y a de vraiment surprenant dans cette histoire, si j'ai vu juste, c'est d'être parvenu à se faire élire avec une telle tactique. Je connais les limites de mes conseils...
(A suivre.)
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