L'intérêt du philosophe antique est qu'il écrit simplement. Ce qui prête à la tentation de le prendre de haut. Car ce qu'il dit paraît d'une grande banalité. D'ailleurs, si j'en crois l'introduction, on ne sait pas s'il l'a dit, ou, du moins, s'il l'a dit comme cela. Le texte dont on dispose aurait émergé, en effet, d'une absence de treize siècles, sans que personne, entre-temps, n'y fasse référence. Et il n'est pas signé.
Livre de philosophie ? Plutôt livre d'exercices, du type "ne m'induis pas en tentation". Travail sur soi pour ne pas céder aux illusions, de la gloire (demain, on t'aura oublié), des plaisirs (le vin n'est que du raisin), mais aussi de la souffrance (endurons-là, de toute manière nous ne pouvons rien y changer). L'homme doit suivre le cours de la nature, qui est naturellement bon, et son "démon" interne, sa nature propre. Il doit servir la société, et savoir reconnaître le bien partout où il se cache.
Cela paraît bien triste, voire médiocre. J'ai eu la tentation de penser que Marc Aurèle était un Citizen Kane, un innocent tiré de ses chères études pour diriger un empire, qui est effrayé par ses responsabilités, et qui cherche le réconfort, voire l'oubli, dans la philosophie. Mais ce qui fait la force du texte est peut-être ce qui n'y est pas, à savoir la stoïcisme, qui est son principal fil directeur. Il est possible que celui-ci dise, un peu comme nous, qu'il y a des "lois" de la nature ; qu'on les trouve si on les observe ; mais que l'on en est détourné par la facilité à laquelle on cède un peu trop vite. Cette pensée n'est pas déterministe. Ce n'est pas un guide. On ne sait pas ce qu'est le résultat d'une vie bonne. Il y a satisfaction, mais, en quelque sorte, elle nous surprend et elle est d'une nature inconcevable.