samedi 7 août 2021

L'intelligence comme fait social

Il faut que je fasse valider par mon chef. "Y a pas d'erreur possible, on est bien en France" dit Depardieu dans Les valseuses. Eh bien, là, il n'y a pas d'erreur possible, on est dans l'administration. 

Lorsque l'épidémie a libéré les hospitaliers ou les enseignants du carcan de leur administration, on a découvert qu'ils étaient formidablement sympathiques, et, accessoirement, compétents et intelligents. Qu'est-ce qui peut donc faire que certains types d'organisations humaines, en particulier la bureaucratie, transforment l'or en plomb, l'être humain en un exécuteur décérébré ? (En "cela" dirait Martin Buber.)

Le sociologue Robert Merton parle de "displacement of goals". On pourrait aussi citer Michel Crozier et, surtout, Kafka. Mais ils n'expliquent pas les causes du phénomène. 

Paradoxalement, c'est peut-être un théoricien du management, Michael Porter et ses "business clusters", qui s'approche le plus d'une solution de l'énigme. Il observe, avec beaucoup d'autres, que l'entreprise tend à faire du "sur place". Ce qui la force à donner le meilleur d'elle-même, c'est son environnement. On dirait son "écosystème". Dans certaines conditions, non seulement il lui fournit les moyens matériels du succès, mais surtout la stimulation intellectuelle qui l'amène à se transcender. 

Et si la raison d'être de la société c'était cela : non donner des ordres à l'être humain, mais créer les conditions de son autonomie ? Et si l'être humain devait rechercher les environnements humains qui vont le mieux le stimuler, le mieux convenir à son type de talent ? 

(PS. Rendons à César... Régis Debray parle de "milieu", ce qui est pour l'homme ce que le cluster est à l'entreprise.)

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