Mais, après tout, peut-être existe-t-il des dirigeants qui
sont prêts à faire les choses correctement ? Ce billet leur est destiné.
Mon expérience rejoint, en fait, ce que l’on lit dans les livres de management.
Ce qui ne s’y trouve pas, c’est à quel point l’art est difficile !
Première étape :
une envie et un engagement
La première étape du changement est le « projet d’entreprise »
des livres de management. Il s’agit de trouver un cap à long terme pour l’entreprise,
quelque chose qui va la « transporter ».
La technique à adopter, curieusement, est relativement
simple. Et elle m’a fourni mes plus mémorables missions de conseil.
Il s’agit en premier
de cerner l’identité de l’entreprise. Ce qu’elle est. Cela se fait en analysant
son histoire et ses actes. Ce qu’elle réussit et ce qu’elle rate. Puis on fait de
la prospective. Comment évolue le (son) monde ? Et, alors, on se demande
ce que l’entreprise a « envie » de faire. En quoi, elle peut changer
l’Histoire. Et surtout en quoi elle est la seule à pouvoir réussir. Ce genre d’exercice
provoque un enthousiasme extraordinaire. Sorte de nuit du 4 août.
C’est alors que les choses se compliquent. Parce que, pour
mener à terme ces envies, il va falloir suivre un cap qui ne peut que faire
rencontrer des icebergs. L’entreprise doit prendre des engagements, décréter
une sorte de ligne de conduite, des règles du jeu auxquelles elle ne peut pas
déroger, et s’y tenir ferme. En effet, tout fléchissement, tout arrangement
avec la rigueur, produit une démotivation immédiate et irrémédiable. C’est une
trahison. Très peu d’entreprises sont capables de cette fermeté.
Deuxième étape :
retrouver l’a priori du succès
Arrivé à ce point, on constate que l’entreprise connaît une
forme de dépression. Elle rate tout parce qu’elle croit qu’elle est condamnée à
tout rater. D’ailleurs elle vous démontre mathématiquement, par le menu, qu’elle
est maudite. Le sort lui est hostile. L’Etat, son dirigeant, ses employés, ses
clients… sont grossièrement incompétents, et malfaisants. Il faut donc la
recoder. Lui rendre l’optimisme. Lui montrer qu’elle a en elle l’étoffe des
héros. Pour cela, il faut concevoir un premier changement qui réussisse. Il y a
des techniques pour cela. C’est généralement un petit projet à fort contenu
symbolique. Il doit montrer deux choses 1) que l’on peut réussir ; 2)
comment s’y prendre pour réussir (par exemple en équipe, alors que le chacun
pour soi régnait en maître). Alors, la nouvelle du succès se répand comme une
traînée de poudre. D’un coup, tout le monde a envie de faire sauter ce qui lui
pourrit la vie. Autre grand moment d’une carrière de consultant !
Troisième étape :
in quiétude et curiosité
Les changements qui viennent ensuite sont beaucoup plus
faciles que le premier. Le risque est grand de s’endormir sur ses lauriers. Comment
ne pas se faire piéger ? La question qui se pose alors est celle de l’amélioration
continue.
J’ai constaté aussi que le succès suscitait l’envie de
tenter, l’amour de la nouveauté. Et qu’ils peuvent être cultivés. Par exemple
en mobilisant régulièrement l’entreprise dans des débats portant sur des sujets
modestes mais stratégiques. Ce type de processus produit une extraordinaire
créativité. En effet, le Français est, par nature, un homme d’idées. Et il est terriblement
content de sortir du rôle d’exécution que lui donne l’entreprise pour pouvoir
les exprimer.
Mais ce n’est pas le fin mot de l’histoire. Cela fait très
longtemps que je réfléchis à la question, et j’en suis arrivé à croire que la
véritable assurance sur la vie d’une entreprise est « l’in quiétude ».
Il ne s’agit pas d’être pathologiquement stressé. « L’in quiétude »
est, simplement, ne pas dormir sur ses deux oreilles. Peut-on décider d’être « in
quiet » ? Non. Ça ne s’apprend pas me semble-t-il. Mais il existe des
gens qui le sont naturellement, et à juste titre. Il faut se les associer.
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