Quand j'étais adolescent, mon père m'a envoyé La peste, de Camus. Je passais mes vacances avec mes grands parents, et il n'y avait pas de librairie à côté de chez nous. Si bien que, mais je ne me souviens plus très bien, mon père devait m'envoyer quelques livres de temps à autres.
Dans les années 50, il vivait en province et, la libraire, à la réception du "Mythe de Sisyphe", qu'il avait commandé, lui avait dit "la mite est arrivée". Ce qui me fait penser qu'il devait suivre les publications de Camus de près. Mon père avait dû se reconnaître dans l'oeuvre de Camus. Au temps de la querelle de Camus et de Sartre, il avait dû choisir son camp.
Mais il ne parlait jamais de ses opinions, et ne m'imposait rien. Je soupçonne, quarante ans après, que, s'il m'a expédié ce livre, c'est qu'il pensait qu'il était important pour la formation de mes idées.
Mais, on est toujours trahi par les siens ? Je n'ai pas aimé La peste. Et je n'aime toujours pas la plupart des livres de Camus, pour la même raison. Il était trop simple et trop didactique. Ce qui me plaît chez Camus, c'est "L'homme révolté" ou certains passages de "Noces". C'est lorsque la passion déborde le calcul. Camus disait qu'il était un "artiste". Ce n'était pas le cas, à mon avis. L'artiste dit une forme de vérité, selon moi. Une vérité qui vient de l'intérieur, et qui n'a subi aucune censure. Un cri. Le plus étrange, peut-être, est que cette vérité doit traverser et dominer toute la contrainte des conventions, de l'art ou de la science, pour s'exprimer. A moins que ce ne soit ce combat qui ne lui soit nécessaire ? De même que l'homme projeté sous l'eau a le désir fou de remonter à la surface ?
De l'art, ultime, de l'influence ? (Une des rubriques les plus fournies de ce blog.) Si je me suis mis à m'intéresser à Camus, quarante ans après, c'est peut-être du fait de l'influence de mon père. Ne rien imposer, mais, pour autant, laisser entendre ce que l'on trouve bien. Et faire confiance au temps, et à ses enfants ?
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