mardi 16 juin 2009

Prix d’un patron

Mon attention erre sur une publicité de l’université de Chicago (What the future holds for markets, dans l’édition de cette semaine de The Economist). Un professeur certainement célèbre y déclare « le PDG typique gagne 8m$, il a 20.000 employés, nous le surveillons tous, en permanence, dans l’attente d’une erreur. C’est vraiment dur, même à ce niveau de paie ».

Drôle d’argument. Imaginez que vous soyez patron, il suffit de faire illusion un mois pour que vous ayez gagné 700.000 dollars. Plus de 15 ans du PIB moyen américain. Dans ces conditions, la tension ne me semble pas si difficile à supporter.

D’ailleurs, n’est-il pas plus difficile de travailler dans une centrale nucléaire, ou à la régulation des trains ou des avions ? Une erreur = des centaines, ou des milliers de morts. Or ceux qui ont ces emplois à responsabilité ultime sont payés des clopinettes. N’y aurait-il pas une erreur quelque part ?

On répondra sans doute que ce n’est pas tel ou tel qui fait la sécurité d’EDF ou de la SNCF mais la structure sociale EDF ou SNCF, des centaines de milliers de personnes guidées par des processus qui ont mis des décennies à se construire. Mais n’est-ce pas aussi le cas pour le P-DG ? Et n’est-ce pas parce qu’on la shooté au fric qu’il en veut toujours plus et que, pour cela, il fait courir des risques invraisemblables à son entreprise, à l’économie, et au monde ?

Complément :

  • Il y a encore quelques décennies, on pensait que le dirigeant devait être un salarié plus ou moins interchangeable d’une technostructure : L’ère de la planification.
  • La recherche scientifique dément l'universitaire (Steven Kaplan) : les dirigeants ont une confiance démesurée en leur chance et en leur talent, autrement dit ils sont insensibles à la critique. LOVALLO, Dan, KAHNEMAN, Daniel, Delusions of Success, Harvard Business Review, Juillet 2003.

2 commentaires:

David a dit…

Le PDG typique n'a pas 20,000 employés, pas aux US et pas en France. C'est une minorité comparé à la majorité des PME. Je regarde ce que fait un patron: il a une idée, il prend des risques (avec son argent quelques fois), il convainc des investisseurs, il recrute, il anime ses équipes, il vend son produit, il prend des décisions (bonnes ou pas, faciles ou pas, il est celui à la fin de la chaine de décision). Il est bien entendu entouré de son équipe, mais le résultat c'est une compagnie qui fournit un produit/service pour répondre à un besoin (clairement un sujet pour une autre discussion). L'autre résultat, c'est la création d'une structure où de l'argent est échangé pour du travail. Ca ne se fait pas magiquement ou par décret, à part dans l'administration. Ceux qui ont apporte l'idée, le talent et l'argent s'enrichissent. Mais n'est-ce pas une conséquence (un mal) nécessaire pour qu'un groupe social fonctionne? C'est peut être très "Adam Smith" avec énormément d'effets négatifs (tu en parles dans tes billets précèdents), mais n'est-ce pas le moins pire des systèmes? Si il y a un autre moyen de rémunérer à partir du travail, de respecter les autres et l'environement, je suis preneur, mais pour l'instant on se contente de réglementer le système existant.

Christophe Faurie a dit…

Il y a PDG et PDG.
Je crois que la grande arnaque concommitante avec la bulle financière est d'avoir insensiblement fait croire que le manager professionnel était un entrepreneur, et donc qu'on lui devait la rémunération de l'entrepreneur.
Knight dit quelque chose de très fort : le rôle de l'entrepreneur est d'assumer l'inassurable, "l'incertitude" (qu'il distingue du risque, assurable). En échange, il reçoit le profit.
En faisant croire qu'ils étaient des entrepreneurs, les managers ont fait main basse sur le profit, alors que, quand la situation s'est corsée, ils ont pris leurs jambes à leur cou, en gardant leurs profits.
Knight dit autre chose qui me semble surprenant et peut-être vrai : il soupçonne que les entrepreneurs perdent plus qu'ils ne gagnent, qu'en moyenne, il vaut mieux être salarié qu'entrepreneur, peintre de salon que Van Gogh.
Quant à Adam Smith, il ne concevait pas de très grands écarts de rémunération. L'homme devait recevoir un salaire "juste". Il pensait qu'à terme les salaires s'égaliseraient.