samedi 30 mai 2009

Storytelling

Storytelling ? C’est raconter une histoire pour faire passer, indirectement, un message qui ne passerait pas directement, par l’appel à la raison.

Un article consacré à un livre de Christian Salmon (Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater des esprits, La Découverte, 2007) dit deux choses.

  1. Utilisé à l’anglo-saxonne le Storytelling est un efficace moyen de manipulation.
  2. Utilisé à la française, il est le « supplément d’âme » dont a besoin la communication technocratique (coincée, par définition).

Réflexions :

  • Toute technique ne vaut que par ce que l’on en fait, et les Anglo-saxons utilisent systématiquement la science pour manipuler la société. On l’a vu avec les techniques d’influence de Robert Cialdini, en particulier. Problème aussi vieux que le monde. L’art du débat est le ressort de la démocratie athénienne. Les sophistes comprennent que le manipuler est posséder le pouvoir. Problème éternel. C’est celui du parasite qui utilise les mécanismes de la société pour l’exploiter à son profit.
  • Au cœur du Storytelling honnête, je pense qu’il y a ce que l’ethnologue Clifford Geertz nomme « description dense », c’est ce qu’essaient de réussir les exemples de mes livres. Lorsque l’on décrit suffisamment en détail une situation, quelque chose de sa réalité arrive à passer au lecteur. C’est contre-intuitif, parce que la réalité semble intransmissible d’une personne à l’autre. Après tout c’est une nuée d’atomes, de quarks et autres strings. Mais tout ceci est organisé par des lois, et la description dense les fait entrapercevoir. Peut-être.
  • Un discours est particulièrement important pour l’entreprise, c’est celui de ceux qui l’ont fondée. Il définit le mieux ce qu’est l’entreprise, son identité. C’est vers lui qu’il faut se tourner lorsque l’on veut la réinventer. C’est ce que j’ai souvent observé, et c’est aussi ce que dit Edgar Schein.

Compléments:

  • BORDEAU, Jeanne, La véritable histoire du storytelling, L’Expansion Management Review, juin 2008.
  • GEERTZ, Clifford, The Interpretation of Cultures, Basic Books, 2000.
  • SCHEIN, Edgar H., The Corporate Culture Survival Guide, Jossey-Bass, 1999.
  • CIALDINI, Robert B., Influence: Science and Practice, Allyn and Bacon, 4ème édition, 2000.

2 commentaires:

Minter a dit…

Il est rigolo que tu aies décidé de rester sur le mot storytelling car, en anglais, il y a une question qu'on pose aux enfants: "Are you telling stories?" pour demander si l'enfant ment.

Cependant, en français, il y a un double sens sur l'histoire ('story') et l'histoire ('history'). On dit que l'histoire est écrite par les vainqueurs -- donc même l'histoire (history) est de l'ordre de la manipulation.

Après, par rapport aux anglo-saxons et leur fascination avec le story-telling, je souligne que c'est très util dans le contexte de l'éducation.

Enfin, une marque est forcément lier à son histoire (son lieu, date de fondement, etc.). Mais cette histoire est forcément écrit rétrospectivement. Alors, c'est systématiquement manipuler pour correspondre à sa réalité... Mais je maintiens que c'est une bonne chose dans l'ensemble (point de vue de marketer anglo-saxon!)

De quoi a discuter au prochain déjeuner ensemble!

Christophe Faurie a dit…

"Are you telling stories" je n'y avais pas pensé. C'est un peu louche pour une technique qui a ces ambitions...
C'est juste ce que tu dis sur la réécriture de l'histoire. D'ailleurs Edgar Schein va plus loin: pour lui les valeurs d'une entreprise sont ce que les membres de la dite entreprise ont interprété comme étant ce qui a fait le succès du fondateur...
En fait, mon expérience me convainc que l'on peut revenir à la pensée originelle, et que c'est ce qu'il faut faire quand l'entreprise est en panne (cf.la presse).