jeudi 13 août 2009

Pourquoi des vacances ?

Certains ne semblent pas avoir besoin de vacances : les paysans, les chercheurs, les dirigeants, les gouvernants. Pourquoi ?

Contrairement au reste de la population, n’est-ce pas ceux qui subissent le moins de contraintes humaines ? Ils sont soumis à des contraintes (la nature et ses lois pour le paysan), certes, mais qui sont bien plus supportables que la routine taylorienne de l’ouvrier, ou le métro boulot dodo de l’employé ? Ce qui use l’homme, c’est le diktat des lois humaines, la robotisation de son existence ?

Si cette explication est correcte, les vacances permettraient de retrouver un peu de libre arbitre. Deux idées qui vont dans cette direction :

  1. Durkheim, dans son étude sur le suicide, note qu’on se suicide au rythme du calendrier de l’activité humaine. Sans que nous nous en rendions compte nos décisions sont contrôlées par les cycles sociaux.
  2. L’économiste Thorstein Veblen a étudié les classes supérieures américaines de la fin du 19ème siècle (The theory of the leisure class). C’étaient des classes oisives dont toute l’activité (à commencer par la consommation) était ostentatoire. Galbraith (The Industrial State) se demande où est maintenant cette classe. Il la retrouve dans les universités et à la tête des entreprises : elle a réussi à faire passer son oisiveté pour un travail.

5 commentaires:

David a dit…

C'est tres risqué de faire des generalisations aussi simplistes. Je peux te proposer d'autres simplifications: le chercheur est devenu chercheur, le dirigeant est devenu dirigeant parce qu'ils etaient passionnes par leur travail et n'ont pas pris de vacances. Plus serieusement, une etude a montre que les enfants qui avaient des vacances courtes ou qui etudiaient pendant leurs vacances reussisaient mieux. Quel est la cause, quel est l'effet?
Chacun aborde son travail (et ses vacances) par rapport a son education, sa famille, son energie et ses aspirations. Je suis pas certain du tout qu'une journee passee sur la route a vendre les merites de sa societe, negocier des contrats complexes, maintenir la cohesion d'une equipe, faire faces aux crises quotidiennes en montrant un constant leadership ne soit pas plus fatiguant ou stressant qu'une journee passee a regarder une machine a trier les envelopes. Mais peut etre penses-tu a l'hyper minorite des dirigeants de tres grandes entreprises.

Christophe Faurie a dit…

En fait, je ne pensais pas plus que ce que j'ai dit dans ce billet.
Depuis j'ai réfléchi et j'ai ajouté mon expérience et celle des anciens employés de mon premier employeur (n°1 mondial dans son domaine).
C'est une très belle entreprise, très riche, ses employés sont très bien payés. Or, ceux qui en sont partis sont beaucoup moins riches, même parfois dans une situation un peu précaire, mais beaucoup plus heureux que ceux qui y travaillent: ce sont pour beaucoup des entrepreneurs indépendants.
Par ailleurs, je dînais il y a peu avec un ami qui est un VP d'une multinationale, il a réussi, gagne beaucoup d'argent, mais a renoncé à beaucoup de ce qu'il aimait dans la vie (c'était un chercheur), et envie ma liberté...
Je suis d'accord : les start up sont souvent des espaces démocratiques où tout le monde se bat avec enthousiasme pour le bien commun (cf. mon billet sur Aprimo). De même pour beaucoup d'entreprises familiales. J'ai rencontré dans mes missions d'anciens cadres de telles entreprises qui m'ont dit qu'ils allaient travailler avec plaisir. Mais que le stress était entré dans leur vie le jour où leur entreprise avait été managée par des managers professionnels (souvent à la suite de son acquisition par une multinationale).
Cependant, il ne faut pas oublier que le cas de la start up est un cas minoritaire. La majorité d'entre nous travaille pour de très grandes entreprises, qui sont des bureaucraties.
D'ailleurs c'est beaucoup plus vrai aux USA que dans le reste du monde. (Cf. mon billet "entrepreneur n'est pas américain".)

Christophe Faurie a dit…

J'ajoute que le stress n'est pas un mal nécessaire.
L'enseignement principal de mon expérience du changement est qu'il est un signe de dysfonctionnement organisationnel.
Cela peut expliquer que l'on soit plus heureux dans une start up que dans une multinationale bureaucratique. Dans le premier cas, tout le monde sait qu'un dysfonctionnement peut être fatal, dans le second on pense à sa carrière avant tout. (Voir aussi les travaux de Merton sur le "détournement de but" en bureaucratie.)
Une entreprise qui marche optimalement ce sont des gens heureux. (Par ailleurs il y a accord des psychologues sur le sujet, voir par exemple l'avis d'un médecin du travail dans mon billet "à lire absolument").

David a dit…

"Une entreprise qui marche optimalement...". J'ai travaillé pour une multinationale ($20B de CA) ou toutes les energies etaient focusees sur la reussite de l'entreprise (peu de vacances a tous les niveaux mais aussi beaucoup de recompenses). Des que le CA a commence a baisse, les meilleurs sont partis, l'interet de la carriere a pris le dessus sur celui l'entreprise. Une autre experience a Alcatel en France ou le dirigeant du groupe a reussi a creer une ambiance start-up dans un groupe de 50 personnes pendant 2 ans. Memes effets, presque pas de vacances a beaucoup d'echelons jusqu'a ce qu'il soit promu et que d'autres prennent sa place.

Christophe Faurie a dit…

ça semble aller dans mon sens : quand l'employé n'est pas contraint par ce qu'il ne comprend pas, quand il se bat pour une cause commune, il n'a pas beaucoup besoin de vacances ?