vendredi 28 septembre 2012

La vérité est-elle relative ?

De grands penseurs disent que nos intérêts dictent notre vérité. Hier, Etienne Klein, dans sa chronique de France Culture, expliquait qu’il existe des vérités absolues. Notamment la relativité. Démonstration : grâce à elle on a eu l’idée du laser, origine du CD ; à chaque fois que nous en écoutons un, nous la vérifions…

Pour ma part, le relativisme me semble une réalité. Nous jugeons le monde à partir d’une modélisation, généralisation de notre expérience et de ce que nous a inculqué notre milieu (la « culture » des ethnologues). De là vient l’outil de mon métier : le paradoxe.

Le « paradoxe » est une incohérence dans le comportement d’un groupe humain. Une différence entre ce qu’il dit et ce qu’il fait. (Par exemple, notre gouvernement affirme le primat de l’économie, autrement dit l’aliénation de l’homme par l’économie, ce qui est anti marxiste.) On peut ainsi modéliser les « hypothèses fondamentales » qui guident inconsciemment son comportement, puis formuler ce qu’on lui demande dans le langage de sa modélisation du monde.

C’est la science qui fait de l’idéologie une vérité relative. Et c’est pourquoi l’homme cherche à la manipuler pour qu’elle affirme sa réalité. Par exemple, le « libéralisme » veut montrer que l’ordre social est idéal. Récemment il a subventionné la « science » économique à cette fin.

Ce blog pense que, comme le Yang succède au Yin dans la pensée chinoise, 68 a marqué la victoire du narcissisme de gauche et de droite sur une vision « solidariste » de la société. Tous deux ont produit leur relativisme. Affirmé à gauche, masqué à droite : le néoconservateur étant un relativiste qui croit universelles les valeurs de son milieu. D’où manipulation de la science par les scientifiques de chaque bord, philosophe d’une part, et économiste de l’autre.

Qu’Etienne Klein et que quelques autres scientifiques commencent à relever la tête signifie probablement que le balancier social revient vers le Ying. 

4 commentaires:

Jad a dit…

Bonjour Christophe,
Il y a, d'après moi, une différence entre les sciences sociales et les sciences physiques, et une plus grosse différence encore entre les sciences et la mathématique. La vérité doit être pensée différemment dans chaque catégorie.

Christophe Faurie a dit…

Bonjour Jad,

Voici comment je vois les choses:

Il y a une démarche scientifique. Son objectif final est de créer des théories dont les prévisions peuvent être testées, et jugées, le cas échéant, erronées (Popper). Il n'y a, quasiment, que la Physique qui en soit à ce niveau. Mais il y a une phase scientifique intermédiaire. L'homme conçoit des modèles qui, sans être "falsifiables", ne sont pas idiots. En fait, ils marchent mais on ne saurait pas trop dire exactement pour quelles conditions initiales précises. (Je note au passage que c'est aussi vrai pour la physique.) Dans ce domaine la démarche scientifique consiste à comparer toute nouvelle modélisation avec les anciennes. On retrouve la démarche de la philosophie, qui, lorsqu'elle traite une question, évoque les auteurs qui l'ont abordée.
Quant aux mathématiques, il me semble que c'est un outil de la science, et peut être aussi une forme d'art (les mathématiques pures).

Ceci posé, je ne suis pas très à l'aise avec la notion de vérité. La vérité me semble une création de l'homme. Elle n'a pas de réalité.
La caractéristique de l'homme est d'avoir une tête propre à mettre tout en équations, ou plus exactement en règles. Ces règles lui permettent parfois de prévoir approximativement le comportement de son environnement. C'est le plus proche que l'on peut trouver de ce qu'on pourrait appeler la vérité.
En fait, pour rendre une fois pour toutes le monde compréhensible, l'homme a créé un espace de règles (rationalité limitée de Herbert Simon). Mais il n'est pas durable: ce monde doit s'ajuster périodiquement, par modification de ses règles, à ce que l'univers est devenu entre temps. C'est le changement, le sujet de ce blog. Le monde est un système évolutif. (http://christophe-faurie.blogspot.fr/2012/09/systemique-un-cours.html)

Le groupe humain faisant évoluer en permanence ses règles, la vérité, à mon sens réduit, se construit.

Jad a dit…

D'où la différence entre les sciences sociales (les règles définies par l'homme pour expliquer son comportement) et les sciences physiques (les règles définies par l'homme pour expliquer le monde qui l'entoure). En science sociale, les règles changent avec le temps, mais est-ce qu'on peut dire la même chose des règles physiques ? Les règles physiques changent, mais pas en raison du changement du monde. Les règles physiques changent parce qu'elles sont fausses. Quand elles seront justes, elles seront éternelles (on peut se demander si elles le seront un jour)

En ce qui concerne la mathématique, je pense qu'elle existe indépendamment de nous. Je suis convaincu que 2 objets et 2 objets feront toujours 4 objets, qu'on le pense ou non. La mathématique n'est donc pas, d'après moi, simplement un outil ou un art inventé par les hommes, mais une vérité éternelle à laquelle nous avons accès (Dieu ?) La mathématique est une forme d’art en ce sens qu’elle donne, comme le dit Alain Badiou, l'envoie à la possible beauté du vrai.

Pour conclure, les systèmes humains changent, donc les règles qui les expliquent, inventées par l’homme, changent aussi. Les lois physiques changent parce qu’elles sont fausses. Et finalement, la mathématique ne change pas : elle est vraie et éternelle.

Christophe Faurie a dit…

Élégant!