Une vie une œuvre
1905, Ayn Rand naît en Russie dans un milieu juif aisé. Son
père fait prospérer la pharmacie de la famille de son épouse, qui, elle, est surtout
préoccupée de pénétrer la plus haute société pétersbourgeoise. La révolution
russe change tout. Déprimé par l’injustice du nouveau régime, le père arrête
de travailler. De manière inattendue, sa femme se révèle pleine de
ressources. Elle nourrit la famille en traduisant en russe des romans
prolétariens étrangers. Ayn Rand va à
l’université. Le nouveau régime n’a pas que des désavantages.
Très tôt, elle a décidé de partir aux USA. La solidarité de
sa famille étendue lui permet de s’y installer. En dépit d’un anglais
approximatif, elle travaille comme scénariste pour Hollywood. Après quelques
années un peu incertaines, pendant lesquelles elle est dépannée par sa famille
américaine, et celle de son mari, un de ses livres, The Fountainhead, connaît un énorme succès. Ce qui sera aussi le
cas du suivant, Atlas shrugged, qu’il
lui faudra 13 ans pour écrire. Elle devient l’objet d’un culte. Elle est
entourée de cercles concentriques de disciples. Monde totalitaire. Aucune contradiction n’est permise. Ceux qui lui déplaisent
sont purgés. Mais, ce n’est pas le succès qu’elle attendait.
Ses idées
Ayn Rand pensait être le plus grand philosophe vivant, voire
le seul philosophe ayant jamais vécu. Son œuvre est faite de romans. Ses deux
principaux parlent, respectivement, d’un architecte et d’un ingénieur. Elle
prône « l’égoïsme » au sens « ego » du terme. L’être
exceptionnel doit suivre le diktat de sa raison. Même ses émotions sont
rationnelles. Son ennemi est « l’altruisme », i.e. l’idée que l’être
de talent doit faire profiter de son génie la société, qui n’en a pas (Marx). Le
surhomme contre la masse.
Ses suiveurs
Elle croyait que les humains exceptionnels se retrouveraient
dans son œuvre. Ce ne fût pas le cas. Ses admirateurs venaient des professions
scientifiques ou techniques (ingénieurs, médecins…). Et elle était entourée d’un
groupe de jeunes juifs qui semblaient rechercher chez une seconde mère un
remède à leur immaturité. L’un d’entre eux, qui joue un rôle décisif dans la
diffusion de son message, change même son nom en Branden, « ben
Rand », fils de Rand !
Les recettes de l’individualisme
Anecdote. Assez âgée, elle découvre que sa sœur préférée est
en vie. Elle la fait venir d’Union soviétique. Mais voilà que cette sœur aime
mieux l’URSS que les USA (au moins en URSS, on peut rêver de
liberté !) ; qu’elle hait ses livres, mais recherche ceux de
Soljenitsyne ; et que, lorsqu’elles étaient enfants, elle la considérait
comme une tortionnaire ! Ayn Rand était incapable de comprendre l’autre.
Toute son œuvre a consisté à rationaliser ce vers quoi la poussait son intérêt.
Par exemple elle désirait prendre comme amant le jeune Nathaniel Branden, qui
avait 25 ans de moins qu’elle. Elle a démontré à la femme de celui-ci, et à son
mari, qu’il était logique qu’ils la laissent faire à son gré.
C’est, d’ailleurs, peut être, « l’altruisme » qui est
la raison de son succès. Non seulement, elle a oublié de repayer leur dû à ceux
qui l’ont aidée à venir et à survivre en Amérique, mais ce sont les faibles qui
ont acheté ses livres. Quant à son mari, qu’elle avait choisi pour son
physique, elle en a fait un homme objet alcoolique.
Comment naissent les individualistes ? me suis-je
demandé. Peut-être en deux temps. Il faut d’abord l’amour d’une famille
convaincue du génie de son enfant, et qui l’encouragera tant qu’elle le pourra.
Puis survient le rejet de l’édifice social, lorsque les caprices de ce génie
sont contrariés. D’ailleurs, étrangement, parmi les « injustices »
dont elle se plaignait, le snobisme de sa mère et une histoire de jouets ont un
rôle plus important que la révolution soviétique !
L’individualiste serait-il un agent du changement ? Il
cherche à faire la société à son image. Et il est indestructible. Tous les
revers ne sont que des injustices qui le renforcent dans sa mission.
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