Eric Minnaert quitte les Pygmées d’Afrique pour les
Aborigènes d’Australie. Mais la culture qu’il devait étudier a disparu. « C’est moi qui enseignait aux enfants leurs
mythes d’origine. »
Il poursuit ses études en Australie. Il obtient un Master.
Quand il revient en France, il découvre que ses diplômes ne sont pas reconnus.
Un peu décontenancé, il s’inscrit en maîtrise d’art. Un jour, il lit une petite
annonce. La société SHS d’Alain Etchegoyen recherche un ethnologue. Il passe un
entretien. Contre toute logique, il est retenu. Il devient anthropologue de
l’entreprise.
« Pourquoi les
gens font-ils grève, pour ne rien revendiquer ? » se demande un fabricant
de biscuits. Une nouvelle usine, ultramoderne, est paralysée par des grèves,
qui ne semblent avoir aucune raison. Voilà le problème que va devoir résoudre
Eric Minnaert.
Pour l’anthropologue, il n’y a pas de différence entre une
tribu pygmée, et une entreprise. Même démarche méthodologique. On s’aménage un
habitat, et on vit avec les autochtones. « Une immersion de plusieurs mois. » « C’est un travail à long terme avec la culture. » « J’absorbe leur pensée collective. »
Mais, contrairement à ce qui se fera par la suite, Eric Minnaert n’est pas
présenté comme un anthropologue. Il entre dans la société comme intérimaire. Il
remplace un robot dans une ligne filoguidée ; puis, il fait équipe avec un
sourd. Comment lier connaissance dans ses conditions ? D’ailleurs,
l’atmosphère est étrange. L’usine est ultra mécanisée. Les hommes font des
travaux de robots. Il n’y a plus de vie humaine. On ne communique pas. « Les gens circulaient en évitant de se
croiser. » Par exemple, le parking est divisé en trois zones. L’une
est occupée par l’équipe de nuit, une autre par l’équipe de jour. Au milieu, un
grand vide, dans lequel Eric gare sa voiture.
Grève ! Eric arrête sa machine et rejoint les
grévistes. Les dirigeants de l’usine, affolés, appellent Alain
Etchegoyen : « l’anthropologue
fait grève ». Lorsqu’Eric arrive dans la salle où sont réunis les
grévistes, tout est calme. Aucune revendication.
Il comprend. La précédente usine était une sorte d’affaire
de famille, tout le monde se connaissait, on se recrutait entre soi, tout
n’était que petites « combines »
entre proches. Or, maintenant, l’usine est une affaire de robots. « N’importe qui pouvait vous remplacer. »
« On avait dépossédé les gens de
leur métier. » « On voulait
qu’ils s’engagent, mais sur quoi ? » « Il y avait eu une inversion : de la solidarité on était passé à la
concurrence. » Quand l’isolement individuel devenait insupportable,
« les moments de grève servaient à
se retrouver ». Les syndicats cherchaient à rationaliser ce phénomène
incompréhensible en disant que les gens voulaient plus d’argent. Ce n’était pas
le cas.
La solution ? Pour travailler, les employés de l’usine
avaient besoin d’un sens à leur travail, qu’il ait une utilité sociale. Et
cette utilité a un nom : le métier. « On a travaillé sur la notion de métier. »
« L’usine existe
encore. C’est une usine pilote. »
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