L’assemblée nationale rédige un rapport préparatoire aux
négociations de libre échange entre l’Europe et les USA. Étonnant. C’est un peu
le libre échange, l’Amérique, et l’UE pour les nuls. Une sorte de mémoire fait
par un étudiant de Master. Et on y voit des députés observant leur sujet avec
un étonnant détachement. Voici ce que j’en retiens :
Pourquoi cette négociation ? Jusque-là, l’Europe ne
voulait entendre parler que de traités multilatéraux. Mais ils ont été bloqués
par les émergents. Du coup, on se tourne vers le bilatéralisme. Il est surtout
dit que l’initiative viendrait de M.Barroso (d’après des commentaires de
députés), pour raisons personnelles. La commission, d’ailleurs, utiliserait « un double langage ». Ce qui
expliquerait l’embarras français ? Pourtant elle a toute latitude
pour négocier. Face à l’infâme Barroso, on espère semble-t-il le contrepoids du parlement européen,
personnification du bien.
Qu’en attend-on ? Apparemment la justification du
projet tient à une étude. Elle est basée sur une modélisation. Aucun lien avec
la réalité ? En tout cas ce qui bloque les échanges n’est pas le tarif
douanier mais la norme non tarifaire. Or, attention, ces normes ne sont pas forcément volontairement protectionnistes. Elles peuvent refléter
des « préférences collectives ».
(Voici un nouveau concept. Contrepoison à l’économie néolibérale ? Mais admettre
une dimension sociale dans l’existence n’est-il pas une implicite remise en
cause du primat des droits de l’homme me suis-je demandé ?) Elles
peuvent aussi émaner de différences culturelles. Par exemple les normes de
sécurité sont définies par la « puissance publique » en Europe, alors
qu’aux USA on joue de « l’auto certification » qui suppose la
responsabilité individuelle. Comment unifier des cultures ?
Implicitement, il me semble aussi que l’on y voit une
tentative de sortir le libre échange de la définition de l’économie néoclassique. Le
libre échange n’est pas toujours bénéfique. Pour cela il faut que la
concurrence soit juste, et qu’aucun parti ne dispose d’un avantage excessif. Ce
qui n’est pas le cas pour l’énorme industrie de défense américaine, ou dans des
secteurs où se trouvent des « disparités
des coûts de production, liées notamment à l’exigence des normes sociales,
environnementales et de bien être animal ». Autrement dit, les
Américains se fichent des droits de l’homme. Contre attaque ? Le rapport
rappelle qu’ils sont non négociables. Le libre échange doit aussi être limité par des
considérations d’intérêt national : « souveraineté alimentaire », « équilibre du territoire »…
Une fois de plus, décidément rapport très ethnologique,
la culture va compter. En effet, en Europe, c’est la tête qui fait les lois. Aux
USA, elles viennent d’en bas, de l’industrie et de ses intérêts. En outre,
la parole de l’Etat fédéral n’engage pas les Etats fédérés ! Autrement
dit, seule l’Europe est contrainte par cette négociation ?
Il est aussi dit clairement que l’arme des USA est
l’hypocrisie. L’Amérique présente ses intérêts comme étant ceux du monde.
(Exemple : pourquoi les OGM ? parce qu’ils sont appuyés par des
« preuves scientifiques » - on notera que ceci ne vaut pas pour le
réchauffement climatique.) Et elle n'est intéressée que par ce qu'elle peut gagner. En outre, l’Europe attaque la négociation en position de
faiblesse. En effet l’Amérique ne désire que l’Asie. Sans compter que l’Europe
est divisée. Outre le bon Barroso, il y a l’Angleterre, qui aimerait
utiliser ces négociations pour démanteler ce qui ne lui va pas dans les lois
européennes. Et l’Allemagne, et ses exportateurs. La France ? Stratégie
CGT ? Elle laisse la négociation se faire. Mais elle n'y participe pas. Autruche ?
On parle, bien entendu, beaucoup d’agriculture, qu’il s’agit
de défendre. Et aussi de culture. Mais là, mystère. Tranchant avec le reste du
texte, pas de pédagogie. La culture, c'est sacré ? Il est peu question de nos autres industries. Lobbys à l'oeuvre ?
A tort ou à raison, ce qui me frappe dans ce document est l’extraordinaire
manque de leadership français. La France semble incapable de penser. Et
encore moins d’agir.
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