mardi 23 juillet 2013

Impuissance française et libre échange

L’assemblée nationale rédige un rapport préparatoire aux négociations de libre échange entre l’Europe et les USA. Étonnant. C’est un peu le libre échange, l’Amérique, et l’UE pour les nuls. Une sorte de mémoire fait par un étudiant de Master. Et on y voit des députés observant leur sujet avec un étonnant détachement. Voici ce que j’en retiens :

Pourquoi cette négociation ? Jusque-là, l’Europe ne voulait entendre parler que de traités multilatéraux. Mais ils ont été bloqués par les émergents. Du coup, on se tourne vers le bilatéralisme. Il est surtout dit que l’initiative viendrait de M.Barroso (d’après des commentaires de députés), pour raisons personnelles. La commission, d’ailleurs, utiliserait « un double langage ». Ce qui expliquerait l’embarras français ? Pourtant elle a toute latitude pour négocier. Face à l’infâme Barroso, on espère semble-t-il le contrepoids du parlement européen, personnification du bien.

Qu’en attend-on ? Apparemment la justification du projet tient à une étude. Elle est basée sur une modélisation. Aucun lien avec la réalité ? En tout cas ce qui bloque les échanges n’est pas le tarif douanier mais la norme non tarifaire. Or, attention, ces normes ne sont pas forcément volontairement protectionnistes. Elles peuvent refléter des « préférences collectives ». (Voici un nouveau concept. Contrepoison à l’économie néolibérale ? Mais admettre une dimension sociale dans l’existence n’est-il pas une implicite remise en cause du primat des droits de l’homme me suis-je demandé ?) Elles peuvent aussi émaner de différences culturelles. Par exemple les normes de sécurité sont définies par la « puissance publique » en Europe, alors qu’aux USA on joue de « l’auto certification » qui suppose la responsabilité individuelle. Comment unifier des cultures ?

Implicitement, il me semble aussi que l’on y voit une tentative de sortir le libre échange de la définition de l’économie néoclassique. Le libre échange n’est pas toujours bénéfique. Pour cela il faut que la concurrence soit juste, et qu’aucun parti ne dispose d’un avantage excessif. Ce qui n’est pas le cas pour l’énorme industrie de défense américaine, ou dans des secteurs où se trouvent des « disparités des coûts de production, liées notamment à l’exigence des normes sociales, environnementales et de bien être animal ». Autrement dit, les Américains se fichent des droits de l’homme. Contre attaque ? Le rapport rappelle qu’ils sont non négociables. Le libre échange doit aussi être limité par des considérations d’intérêt national : « souveraineté alimentaire », « équilibre du territoire »…   

Une fois de plus, décidément rapport très ethnologique, la culture va compter. En effet, en Europe, c’est la tête qui fait les lois. Aux USA, elles viennent d’en bas, de l’industrie et de ses intérêts. En outre, la parole de l’Etat fédéral n’engage pas les Etats fédérés ! Autrement dit, seule l’Europe est contrainte par cette négociation ?

Il est aussi dit clairement que l’arme des USA est l’hypocrisie. L’Amérique présente ses intérêts comme étant ceux du monde. (Exemple : pourquoi les OGM ? parce qu’ils sont appuyés par des « preuves scientifiques » - on notera que ceci ne vaut pas pour le réchauffement climatique.) Et elle n'est intéressée que par ce qu'elle peut gagner. En outre, l’Europe attaque la négociation en position de faiblesse. En effet l’Amérique ne désire que l’Asie. Sans compter que l’Europe est divisée. Outre le bon Barroso, il y a l’Angleterre, qui aimerait utiliser ces négociations pour démanteler ce qui ne lui va pas dans les lois européennes. Et l’Allemagne, et ses exportateurs. La France ? Stratégie CGT ? Elle laisse la négociation se faire. Mais elle n'y participe pas. Autruche ?

On parle, bien entendu, beaucoup d’agriculture, qu’il s’agit de défendre. Et aussi de culture. Mais là, mystère. Tranchant avec le reste du texte, pas de pédagogie. La culture, c'est sacré ? Il est peu question de nos autres industries. Lobbys à l'oeuvre ?

A tort ou à raison, ce qui me frappe dans ce document est l’extraordinaire manque de leadership français. La France semble incapable de penser. Et encore moins d’agir. 

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