samedi 7 mai 2011

Histoire de l’Arabie Saoudite

VASSILIEV, Alexei, The History of Saudi Arabia, New York University Press, 2000.

Première expansion

Au début, il y a des tribus bédouines dans un désert. Le Bédouin ne mange pas à sa faim. Le désert n’intéresse aucune grande puissance. Seuls les Ottomans prétendent défendre les lieux de culte, Médine et la Mecque.

Arrive alors un événement étrange. Un peu comme le monolithe de 2001 Odyssée de l’espace, le Wahhabisme est donné à la tribu des Al Saud, et transforme l’histoire arabe. (Le Wahhabisme est un Islam intolérant qui nie toutes les évolutions de cette religion depuis le 9ème siècle – avant le 18ème siècle, les religions bédouines n’étaient pas islamiques.)

Les razzias s’appellent dorénavant Jihad. Et ce Jihad fédère les tribus, qui peuvent s’enrichir grâce à lui pour une noble cause. Elles s’agglomèrent autour des Al Saud.

Mais la géographie et les dommages commerciaux de l’intolérance religieuse mettent un terme à l’expansion continue que demandait leur enrichissement, la coalition se dissout. L’Égypte, qui est alors dans une période faste, envahit la péninsule.

Seconde expansion

La puissance égyptienne connaît un déclin. Les Al Saud reprennent de la vigueur. Poussés par une résurgence islamiste (Ikhwan), encouragés par le protectorat britannique, ils s’emparent, après de multiples rebondissements dont une seconde dissolution de leur émirat, de la quasi-totalité de la péninsule arabique. Le terme de leur conquête, c’est la Mecque.

Le pétrole

Des champs pétrolifères sont découverts à la veille de la guerre de 40 par les Américains. La production pétrolière ne devient significative qu’après guerre. La part que les Saoudiens reçoivent des bénéfices réalisés est initialement faible, elle croîtra ensuite. Cette soudaine richesse cause chez eux une folie du luxe, qui noie le royaume sous les dettes. Mais, une fois l’argent du pétrole réparti à son avantage, la prospérité s’installe.

La Guerre froide fait de l’Arabie Saoudite un allié dont l’Amérique prend soin. D’autant plus que contrairement à ce que voulait (le sage ?) Eisenhower, les USA deviennent dépendants du pétrole saoudien. Ce qu’ils paient très cher en 1973, lors de la guerre du Kippour. En revanche, l’Arabie Saoudite fera tout ce qui est en son pouvoir pour amener les alliés des Soviétiques dans le camp occidental.

Aujourd’hui : un équilibre de contradictions

Le régime saoudien est un étrange tissu de contradictions. Il est dominé par la famille royale, très étendue (2 à 5000 membres mâles), qui possède la fortune nationale et a un pouvoir absolu. Ce pouvoir repose sur deux piliers antinomiques :
  1. l’allié américain, 
  2. un islam féodal qui n’a pas évolué depuis les origines, et qui prône le dénuement et exècre l’Occident.  
La contradiction est partout. L’Arabie Saoudite se veut le champion de l’Islamisme et du monde arabe, et donc l’ennemie d’Israël. Mais elle craint plus que tout ses frères arabes ou islamistes, soit qu’ils aient adopté des valeurs laïques comme l’Égypte de Nasser ou l’Iraq de Saddam Hussein, soit qu’ils prônent un Islam non corrompu par l’argent, comme l’Iran, soit encore qu’ils appartiennent à la famille royale ennemie des Hachémite, qui a régné à la Mecque, en Iraq, et qui gouverne la Jordanie. Et que dire du danger que représentent les sectes fondamentalistes saoudiennes pour le luxe royal, ou l’élite intellectuelle éduquée en Occident, pour ses valeurs féodales ?

Mais les avantages compensent les inconvénients, et cet écosystème de contraires trouve son intérêt (essentiellement économique en ce qui concerne les citoyens saoudiens) dans l’équilibre. 

Commentaires :

Le principe du régime saoudien semble être le maintien d'une famille royale riche. Pour cela elle joue de sa formidable fortune. Qu'elle demeure aussi durablement au pouvoir prouve qu'elle a su apprendre de son histoire, et, peut-être, aussi, que ce que peut l'argent est immense... Finalement, faut-il y voir un appui à ma théorie sur la RSE et l'écosystème : la famille royale saoudienne est particulièrement habile à satisfaire ses parties prenantes ?

4 commentaires:

Herve a dit…

N'oublie pas le rôle joué par les occidentaux dans la prise de conscience nationale, le panarabisme, et relis donc les "7 piliers de la sagesse"...

Christophe Faurie a dit…

Au sujet des 7 piliers : l'auteur du livre (qui a une érudition digne d'un agent du KGB...) massacre Laurence d'Arabie, qu'il semble considérer comme un affabulateur... Et ce qu'il dit est crédible : ce qui s'est passé pendant la guerre de 14 correspond à un mouvement qui remontait au 18ème siècle et qui s'est poursuivi ensuite.
Quant à la prise de conscience nationale, elle ne semble pas du tout évidente. L'Arabie Saoudite a une structure de clans qui ressemble encore beaucoup à celle de son passé. L'influence occidentale se limite à sa technologie et à quelques idées subversives qui modifient les moeurs de ceux qui ont étudié à l'étranger.
Bien sûr, le livre s'arrête aux années 90, et les choses peuvent avoir évolué depuis.

Herve a dit…

La pris ede conscience ne doit pas se limiter a l'Arabie Saoudite, mais à toute la famille jusqu'à la Jordanie (Trans Jordanie si on préfère...).

Comme tout élément perturbateur, j'ai tendance à considérer TE Lawrence comme une source plus fiable que les théories officielles...

Christophe Faurie a dit…

C'est certain que tout va ensemble. Au début toute la région n'était faite que de tribus plus ou moins liées . (Ce que montre bien le livre.)
Il est certain qu'il faut trouver plusieurs sources, mais celle-là semble relativement reconnue (et pas trop officielle).
Quant à Laurence d'Arabie, je me demande si nous n'avons pas pas un tropisme occidental: il suffit que l'un d'entre nous s'occupe d'un pays étranger pour penser qu'il l'a transformé. (N'avons nous pas "découvert" le nouveau monde?)
Mais peut-être aussi que mon compte-rendu n'est pas fidèle et que j'ai un peu trahi ce que j'ai lu?