Notre chômage est de nature structurelle. La révolution informatique a éliminé le besoin de qualifications intermédiaires. La France serait un des pays les plus touchés au monde (-12% en 13 ans). (Explication du malaise des classes moyennes, l’électorat de notre président ?) L’argument qui justifie cette mise à la porte ? Gain de productivité. Grâce à l’informatique, il faut moins de personnes pour produire la même chose.
Mais cet argument est une hérésie économique ! La logique d’un investissement est de permettre de gagner plus d’argent. Or, je n’ai encore jamais vu que ce soit le cas pour l’informatique (c’est le fameux paradoxe de Solow). Les systèmes d’information coûtent des fortunes (en consultants !), ne donnent pas ce que l'on attendait d'eux, et il faut les renouveler sans arrêt !
Curieusement, tout le travail de Taylor a été de liquider les contremaîtres. Ça a été aussi l’obsession du reengineering de Michael Hammer, et la logique des transformations des années 80, où l’on cherchait à robotiser à outrance.
Or, ces « qualifications intermédiaires » ne le sont que par leur position dans l’entreprise. En fait, ce sont elles qui la font fonctionner. D’ailleurs le problème des contremaîtres de l’époque de Taylor était justement cela : ils étaient indispensables !
Et si la logique de la transformation que nous avons vécue n’était pas celle d’une société qui optimise son organisation pour maximiser la création de richesses, mais celle d’un partage d’une richesse fixe ?
Compléments :
- Si elle n’était pas d’accord sur la manière, la Martine Aubry des 35h était d’accord sur le diagnostic. Serait-ce cette unanimité de nos élites pour un diagnostic faux qui est la source de nos malheurs ?
- Sur la découverte de l’importance des fonctions intermédiaires, suite à leur élimination par la mode du reengineering des années 90 : Corporate Amnesia, The Economist, 20 avril 1996.
- KANIGEL, Robert, The One Best Way: Frederick Winslow Taylor and the Enigma of Efficiency, Viking, 1998.
- Une précision sur l'informatique : l'informatique n'est pas un mal en elle-même. Mais nous lui en demandons trop. Le bon investissement informatique est homéopathique, en appui de l'homme, non en remplacement.
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