dimanche 19 septembre 2010

Qu’est-ce qui fait perdre les socialistes ?

Surprise : le modèle social-démocrate suédois va mal (The strange death of social-democratic Sweden).

Le socialisme, parti des intellectuels

Parmi les raisons évoquées, l’une me frappe : partout le socialisme est mal aimé. La crise, qui aurait dû le requinquer, a profité à la droite. Qu’est-il arrivé aux socialistes, me suis-je demandé ? Voici où m’a mené un enchaînement de pensées :
  • Michel Winock (Le socialisme en France et en Europe), distingue deux courants socialistes : populaire et intellectuel. En Europe du nord, ils se sont fondus dans la sociale-démocratie, en Europe du sud, ils se sont divisés entre communisme et socialisme.
  • J’ai l’impression que, progressivement, le courant intellectuel a pris la main sur l’ensemble du mouvement, et que la droite a récupéré une partie au moins du courant populaire. Aux USA, Reagan, Bush ou Palin représentent le peuple, pas Obama. Il en est certainement de même en France. Aussi curieux que c’ait pu me paraître le Mouvement Populaire porte probablement bien son nom.
Opposition entre intellectuels et peuple

Ce qui différencie les pensées intellectuelle et populaire est une question de valeurs.
  • L’intellectuel est individualiste et universaliste. Sa bible, c'est les droits de l’homme. Pour lui il existe une seule « culture » (cf. France Culture ou Ministère de LA Culture). Elle est mondiale. 
  • Le populaire croit qu’être Français ou Américain est une réalité (dont on peut être fier). Sur ce point il se rapproche de l’ethnologue : il pense qu’il y a des cultures, une par groupe humain. (Ce qui signifie que chacun d’entre nous appartient à plusieurs cultures, notamment à celle de l’entreprise qui l’emploie.)
Ce sont probablement les Allemands de l’avant seconde guerre mondiale qui ont le mieux marqué cette distinction. Ils appelaient la « culture » des intellectuels « civilisation ». C’était un monde déshumanisé d’électrons libres régulés par contrat. En face se trouvait la « culture » à proprement parler, le groupe humain uni, solidaire et amical.

On en arrive donc à un socialisme qui considère une partie de son électorat traditionnel comme le « mal ». Michel Winock va même jusqu’à dire que le socialisme est à tendance totalitaire (il nous dénie le droit de ne pas penser comme lui). Pas étonnant dans ces conditions qu’il tende à perdre les élections.  

Tactiques pour une conquête du pouvoir

Techniquement, les socialistes ont probablement deux possibilités de reprendre l’avantage :
  1. Laisser renaître un mouvement puissant à leur gauche. (Et le flouer lors des élections façon « union de la gauche »).
  2. Utiliser la méthode Blair et devenir le parti de l’individualisme et du libéralisme éthique. (Option DSK ?) Ce qui leur permet à la fois de ratisser le bobo à gauche et le libéral à visage humain de droite, plus les marges qui pensent en être. De manière équivalente, ce serait le parti du diplôme - le point commun de ces deux électorats. La droite devenant le parti de ceux qui ne se définissent pas, avant tout, par leurs études : l’ouvrier et le self made man, notamment.
Compléments :
  • Sur culture et civilisation (par exemple) : Mosse, George L., Les racines intellectuelles du Troisième Reich, Points 2008.

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