En fait, je me rends compte que je lis Proust toujours de la même façon depuis 40 ans, c'est à dire par bouts. D'où les réflexions qui suivent. Quelques remarques iconoclastes.
Le premier effet qu'a Proust sur moi est une sorte de fascination. J'ai l'impression de vivre ce qu'il dit. Les banalités de la vie quotidienne prennent soudainement une immense importance. Sorte de voyeurisme. Mais c'est mal fichu. Il n'y a pas de fil conducteur. On va d'un épisode immobile à un autre. Il me plonge dans un rêve, et m'en tire brutalement. Désagréable, comme passer du soleil à l'eau froide. Et curieux vocabulaire, à la fois extraordinairement riche et précis, mais qui a aussi quelque-chose de familier et vulgaire (à commencer par "à la recherche du temps passé" - je ne dis pas cela pour ses retranscriptions de langage populaire).
Proust n'est-il pas une variante de Voici ? A la recherche du temps passé ou à la recherche d'une certaine façon de voir le monde ? Celle de l'enfant, qui perçoit les grandes personnes comme des êtres terrifiants et merveilleux. Et non comme des individus comme vous et moi. Illustration d'une des théories topologiques de Kurt Lewin : celui qui est extérieur à une société n'en voit pas la réalité, il l'exagère, il l'idéalise ?
(Par ailleurs, je me suis demandé si Julien Gracq n'avait par repris le même procédé. Mais, dans son cas, cela a quelque-chose de mécanique et de gratuit, à mon avis. Comparaison qui s'applique à ses titres.)
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