Insomnie. Vous vous forcez à dormir, ça ne marche pas. Pour s'endormir, il faut, au contraire, vous forcer à ne pas dormir ! Voilà le principe du changement. Le changement est paradoxal !
Débrancher sa raison
Paradoxal, vraiment ? Non, ce que cela montre est que nous sommes pilotés par notre raison, et que notre raison n'est pas adaptée au changement. Notre raison procède par modélisation de la réalité. Or, lorsqu'il y a changement, cette modélisation ne fonctionne plus. C'est le cas de l'exemple précédent : le sommeil ne suit pas les règles que lui prête la raison. (Ou, du moins, la raison qui connaît sa première insomnie !) Premier enseignement : réussir le changement demande de débrancher sa raison.
Coup d'état
Notre raison est adaptée au changement d'ordre 1, alors que le "réel" changement (celui dont parle ce blog) est d'ordre 2. Voilà ce que dit Paul Watzalwick. Qu'entend-il par cela ?
Pour les organisations, c'est là même chose. Le changement d'état correspond à l'ajout de qualificatifs. Tel imprimeur ordinaire devient le spécialiste français du packaging de produits de luxe. Marcel Proust, bourgeois français comme tant d'autres, devient Proust l'auteur unique. Boeing, exploitant de forêts du nord ouest américain, devient, en 14, fabricant d'avions (en bois), en 58 (Boeing 707), fabricant d'avions à réaction.
- Ordre 1 : augmenter les impôts locaux en France.
- Ordre 2 : faire payer des impôts aux Grecs
Pour les organisations, c'est là même chose. Le changement d'état correspond à l'ajout de qualificatifs. Tel imprimeur ordinaire devient le spécialiste français du packaging de produits de luxe. Marcel Proust, bourgeois français comme tant d'autres, devient Proust l'auteur unique. Boeing, exploitant de forêts du nord ouest américain, devient, en 14, fabricant d'avions (en bois), en 58 (Boeing 707), fabricant d'avions à réaction.
Et c'est ainsi que se fait le changement par "effet de levier", c'est-à-dire, sans effort. Il suffit de trouver le bon qualificatif pour que l'entreprise ou l'homme se transforment d'eux-mêmes. Mais "bon" ne va pas de soi. Et c'est ce que démontre nos constructeurs automobiles. Ils ont rêvé d'égaler les Allemands. Seulement, c'était un changement de phase qui n'était pas dans leurs cordes. Il y a deux conditions pour que le mot déclenche le changement :
- Potentiel. Aristote parle de "potentiel" : un système ne peut pas devenir n'importe quoi. Proust avait le potentiel d'être un écrivain, voire un anthropologue. Mais pas d'être un champion olympique.
- Circonstances. Mais ce "potentiel" doit correspondre aux circonstances du moment. C'est peut-être pour cela que Proust est devenu auteur et pas anthropologue. Et que Lévi-Strauss a fait le choix inverse.
Sortir de la caverne
Le phénomène qui est à l'oeuvre ressemble à la "réduction du paquet d'onde" de la mécanique quantique. Une organisation humaine donnée, un "système" pour faire plus général, peut occuper plusieurs états. Ces états différent d'une organisation à une autre. Par exemple d'un constructeur automobile à un autre. Cependant, notre raison n'en voit qu'un, et, peut-être, contribue à ce qu'il ne change pas. Comme dans l'histoire de la caverne de Platon, le processus de changement consiste à sortir de cette vision myope pour apercevoir les potentialités du "système" et choisir celle qui est adaptée à la situation du moment.
Le leader du changement comme explorateur
Le processus de conduite du changement n'est donc, nouveau paradoxe, pas faire arriver le changement (par la force), mais la recherche du mot qui va déclencher le changement, par magie, ou presque. La conduite du changement doit être conçue comme une exploration. Avec le bon équipement et la détermination qui convient, il y a d'excellentes chances de trouver la clé du problème.
En conséquence, si, pour Platon, c'est le philosophe qui est le catalyseur du changement, et si, pour l'Américain, c'est le "leader", il semble plutôt que ce soit un mélange des deux. C'est Socrate, Indiana Jones ou les héros de Jules Verne. C'est à la fois un homme d'action et un intello.
En conséquence, si, pour Platon, c'est le philosophe qui est le catalyseur du changement, et si, pour l'Américain, c'est le "leader", il semble plutôt que ce soit un mélange des deux. C'est Socrate, Indiana Jones ou les héros de Jules Verne. C'est à la fois un homme d'action et un intello.
« Hetzel front cover » par Rama — Travail personnel. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.
Et la science, là dedans ? Quel est son rôle ? Un cours de conduite du changement doit expliquer comment s'équiper pour mener à bien une exploration. Peut-être peut-elle aussi nous dire comment nous entraîner. Pour le reste, la chance sourit à l'esprit éclairé...
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