"Gargoyles on a mosaic in the Museum Capitolini". Licensed under Public Domain via Wikimedia Commons. |
La question de la dépression est une problématique centrale dans l'étude du changement. De ce fait, j'en suis arrivé à observer la dépression autour de moi. C'est étonnant à quel point c'est un phénomène répandu. Et ce qui est plus surprenant encore est que notre société le juge exceptionnel, voire pathologique. Voici quelques constatations et observations que j'ai faites :
- Définition (Seligman). Elle est essentielle pour bien prendre le problème. Dépression = être abattu ("décidément, je suis nul") par l'imprévu. Opposé : optimisme = être stimulé par l'imprévu ("décidément, la vie est plus amusante que je le pensais").
- La dépression est un phénomène naturel. C'est la première phase de l'apprentissage, et même de la pensée, et de la philosophie ! L'homme découvre que ce à quoi il croyait "ne marche pas". Il y a dégel de ses certitudes, recherche, plus ou moins aléatoire, de nouvelles règles d'action, et reconstruction, si ces règles donnent de bons conseils. Si "ça marche".
- Attention, j'insiste sur "aléatoire" ! La raison est l'ennemie de la dépression. La raison nous demande de suivre des règles. Or, si nous sommes dépressifs, c'est parce que ces règles ne fonctionnent pas. Nous ressemblons à la tête de lecture d'un électrophone qui rencontre une saleté. Il faut que nous sortions du sillon dans lequel nous sommes coincés. C'est un acte créatif, non rationnel.
- Ce qui cause la dépression est notre modèle d'interprétation semi inconscient des événements. Nous avons tous dans la tête une modélisation du monde. Quand quelque chose nous arrive, nous-nous racontons une histoire ("cette fille m'a souri, parce qu'elle me trouve irrésistible" - alors qu'elle n'a peut-être même pas souri, et qu'elle ne m'a pas vu). Une action en découle. Si ce modèle d'interprétation conduit à des actions qui "ne marchent pas", c'est la déprime. Pour soigner la dépression, il faut analyser ce que l'on a pensé avant l'action qui a mal tourné, ou avant le sentiment d'abattement que nous venons d'avoir, et se demander s'il n'y aurait pas eu d'autres façons de faire et qu'est-ce que cela aurait donné en termes d'action. Si l'on arrive à faire émerger un modèle alternatif d'interprétation du monde, conduisant à des actions qui réussissent, on se recode.
- Point important. Le processus de recodage est douloureux, il s'apparente généralement au mouvement d'une mouche contre une vitre. Il faut donc avant tout de l'énergie pour le mener à bien ! De l'avantage de la tête de lard sur l'intello. Or, une dépression parvenue trop loin c'est une accumulation de défaites, d'échecs destructeurs. Cela produit ce que Martin Seligman nomme "learned helplessness", en anglais. C'est vouloir rester dans son lit. Pour reprendre de l'énergie, il faut casser ce cercle vicieux, en faisant des "petites" actions banales (par exemple faire le ménage...). La réussite, même modeste, recharge les batteries. La dépression n'est pas un phénomène linéaire mais une question de cercles vicieux ou vertueux.
- Attention, encore. Il y a de bonnes et de mauvaises recharges. L'usage excessif de l'alcool ou dépenser ses ressources en emplettes sont des pièges à éviter...
- Encore plus important. Il ne faut pas croire au miracle, au traitement qui fera de nous des optimistes définitifs. Nous sommes tous plus ou moins cyclothymiques. En fait, cela n'a rien d'anormal d'avoir des périodes de doute ou d'euphorie. Ce qui l'est c'est ce que la société attend de nous. Elle nie la dépression. La norme pour elle, c'est le légume. Et c'est parce que la société nie la dépression qu'elle en a fait une pathologie sociale. A mon avis, un des points essentiels dans le traitement de la dépression est d'apprendre à se connaître, à s'extraire des idées reçues, et à expliquer son comportement comme étant normal, voire une force. "J'ai des périodes de dépression, pendant lesquelles je me recharge, et voilà ce à quoi je dois faire attention à ces moments" (par exemple : comme je doute de moi, je suis susceptible au mauvais conseilleur). Idem pour les périodes d'enthousiasme débridé.
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