"Lorsque, par un décret des puissances suprêmes,
Le Poëte apparaît en ce monde ennuyé,
Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes
Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié :"
Exercice qui ne doit plus se pratiquer souvent : j'ai lu Les fleurs du mal dans l'ordre de ses poèmes.
Eh bien, ce n'est pas Les nourritures terrestres. C'est extrêmement déprimant. C'est une apologie de l'auto destruction maussade.
Manifeste de la contre-culture, avant que la contre-culture ne soit inventée par les Américains ? Baudelaire est un fils de famille. Il fait des études à Louis Le grand. S'en fait chasser, mais pas avant d'avoir eu le second prix de poésie latine au Concours général. Hérite une forte somme à la mort de son père. Vit une existence de dandy. Dépense la moitié de son héritage en dix-huit mois. Est placé sous tutelle. Et passera le reste de son temps dans une bohème morne.
La bohème était peuplée de fils de famille. La plupart des grands artistes avaient fait d'excellentes études, étaient bacheliers, à une époque où c'était rare. Certains avaient suffisamment d'argent pour ne pas travailler, voire ne pas devoir vendre leurs oeuvres.
La contre culture est, au fond, un manque total d'imagination. Elle dénonce quelque-chose, la culture, sans laquelle elle ne serait rien. Les poèmes de Baudelaire sont extrêmement classiques, d'une part, et, de l'autre, ils ne cherchent qu'à contrarier le bourgeois : tu aimes Dieu, alors je vais louer le diable. C'est l'invention par la contrainte, et pas la destruction créatrice.
Mais, là aussi, il y a changement. La contre-culture moderne a perdu le talent, mais a gagné l'argent. Contre est une autre façon d'être pour. "Tu m'as donné ta boue, j'en ai fait de l'or."
("Ce fantôme de squelette
N'a pour toute toilette,
Qu'un diadème de vers
Posé tout de travers."
Dommage que Baudelaire n'ait pas plus exploité sa veine ironique ?)
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