dimanche 3 juin 2012

Reengineering : qu’est-ce ?

J’ai commenté un billet de Dominique Delmas en disant qu’il avait fait un reengineering. Où ai-je pêché ce barbarisme ? Voici un extrait d'un de mes livres :
Frederick Taylor (1856-1915) semble avoir été la première personne à porter le nom de « consultant en management ». Son travail sur le « management scientifique » a marqué de manière indélébile l’organisation des entreprises occidentales et le conseil en management moderne.
(…) Son apport fondamental a été la notion de « processus », c’est-à-dire la suite de « mouvements élémentaires » qui permet d’obtenir un résultat donné à partir de ressources elles aussi données. Parler de mouvement élémentaire pour une machine est correct, mais qu’en est-il pour l’homme ? Pourtant, Taylor n’a jamais douté qu’il existait. La base de son édifice est ainsi que l’homme peut-être programmé.
L’obsession de Taylor était d’appliquer la science à l’optimisation de ce processus (c’est-à-dire de pousser au maximum la production), ce que l’on appellerait maintenant un « reengineering ». Sa technique consistait soit en une expérimentation systématique, soit en l’observation des « meilleurs » ouvriers (c’est-à-dire les plus rapides), afin d’en déduire les « meilleures pratiques » (les suites de mouvements les plus rapides), chaque mouvement étant chronométré indépendamment. Voici les origines du « benchmarking ».
Une fois l’optimum découvert, il le consignait dans des procédures que devaient appliquer les ouvriers. On reconnaît le « knowledge management » du consultant (car, pour lui, connaissance égale procédure).
Autrement dit un reengineering est une nouvelle conception des procédures de travail de l’entreprise, de manière à ce qu’elle gagne en productivité. Le terme lui-même est associé à Michael Hammer, un professeur du MIT, qui en a fait un grand usage dans les années 90. Bienvenue dans le monde du conseil en management !

Dans une prochaine série de billets, on verra:
Compléments :
  • Mon livre est : Conduite et mise en œuvre du changement : l’effet de levier, Maxima 2003 et 2007. Mes sources concernant Taylor : KANIGEL, Robert, The One Best Way: Frederick Winslow Taylor and the Enigma of Efficiency, Viking, 1998.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai lu avec intérêt les blogs de M. DELMAS et je ne suis pas certain qu'il soit à l'origine du "reengineering" qu'on lui prête : l'idée est en effet venue d'une brillante et novatrice responsable sinistre d'une grande compagnie d'assurance, qui a travaillé sur ce concept pendant 2 ans avec une équipe d'experts dédiés (de la société dont fait partie M. DELMAS, mais sans M. DELMAS, qui a quitté ce groupe d'experts dès les toutes premières séances).

Christophe Faurie a dit…

Bonjour,

Vous avez raison. Mais cela est dit dans les billets (que j'ai écrits!). L'initiative vient de l'assureur. Il me semble évident que le projet n'aurait pas pu avoir lieu autrement!

Par contre le rôle de Dominique Delmas (et de sa société!) est intéressant à souligner. En effet, il illustre la fameuse "théorie de l'agence", qui, non seulement a valu quelques prix Nobel à des économistes, mais se trouve associée à la triste et actuelle histoire des bonus bancaires (et autres). Ce problème est derrière le théorème majeur de mes livres, et une des obsessions de ce blog : changement = contrôle.(Et, pas de contrôle entraîne échec du changement.)

En effet, à partir du moment où l'assureur accorde certaines de ses prérogatives à l'expert, celui-ci est en position de force et peut choisir (ce que dit la théorie de l'agence) son propre intérêt plutôt que celui de son commanditaire. Cela n'a pas été le cas. Et ce sans aucun contrôle.

L'assureur a été clairvoyant, mais surtout parce qu'il a su bien choisir celui avec qui il a travaillé. C'est effectivement remarquable.

Anonyme a dit…

Plus précisément, l'assureur a effectué un contrôle strict et hebdomadaire pendant les 2 premières années et ce début d'expérience a alors effectivement été un succès sur tous les plans pour les différents acteurs participants,tant chez l'assureur que chez la société d'expertise.
Par contre, le problème s'est posé différemment, à partir du moment où la méthode a été élargie à un très grand nombre de dossiers, avec des intervenants (aussi bien côté assureur que côté expert) qui n'avaient pas suivi la formation initiatique du début : et, au fil des ans, peut-être s'est posé le dilemme que vous décrivez ... et donc la question du contrôle. Cet exemple montre, au contraire, l'obligation d'un contrôle extrêmement rigoureux.

Christophe Faurie a dit…

Tout à fait d'accord!
Excellent exemple! (J'ai bien envie d'en parler dans mes cours. Il va falloir que j'enquête en profondeur.)
Merci beaucoup pour votre contribution. Cette initiative est très intéressante. Elle mériterait d'être imitée.

Dominique Delmas a dit…

Bonjour Anonyme,

Merci de me donner l'occasion de m'exprimer sur les billets de Christophe relatifs au rengineering, terme effectivement barbare qu'il m'a fait découvrir.
C'est bien une idée de cette grande sachante de la Compagnie d'assurance qui est à l'origine de tout ce formidable processus assez unique.
Vous connaissez parfaitement l'histoire semble t il.
J'ai gardé depuis ce lancement en 1997 des relations étroites et riches avec elle et nous travaillons sur quelques évolutions du métier.
Lorsque ce projet s'est mis en place j'étais un jeune expert totalement inexpérimentée ( à peine 1 an de métier) et ce fut une chance unique que de pouvoir être converti à la connaissance des polices d'assurance et surtout leur modalités de mise en application lors des sinistres RC.

Il n'est pas tout à fait exact de dire que j'ai quitté l'équipe lors des toutes premières séances, l'expérience a duré quelques mois (pour moi). Je suis parti alors sur d'autres types de dossiers et d'autres fonctions.
(Mais c'est sans importance, pour notre sujet).
L'étape suivant ce lancement a été de monter une équipe de juristes car les experts, dans leur majorité, étaient en souffrance.
Seuls trois ou quatre ont prolongé l'aventure (de mémoire)
Cette seconde étape montée par une experte expérimentée du cabinet était une bonne idée dans le contexte, mais ressemblait plus à une sous traitance qui avait l'avantage d'avoir en sus de juristes, un réseau d'experts techniques à disposition.
Cette étape a parfaitement fonctionné pendant 5 à 6 ans pour des dossiers à enjeux dits "mineurs" essentiellement en traitement sur pièces,(comprenant une prise de position sur les garanties, c'était la novation)
Puis la Compagnie en discussion avec notre cabinet d'expertise a souhaité élargir ce processus à un segment de dossiers plus conséquent, en terme de volume et d'enjeux.
Une nouvelle convention a été établie en 2006 qui devait mélanger dossiers d'expertise dit classique et ce traitement sur pièces éprouvés.
A mon sens, les billets de Christophe portent plus sur cette période de 2006 à aujourd'hui.
Tout ceci bien sûr montre que ce processus aujourd'hui est le fruit d'un long cheminement, qui part à la fois d'une relation professionnelle très fortes entre l'assureur et son prestataire, d'une idée de départ novatrice et osée de l'assureur et d'un pari sur l'avenir du patron du prestataire.
Ensuite, il y a les différentes étapes de maturation du projet, chacune indissociable et indispensable pour aboutir au résultat actuel évoqué dans le billet "un trésor caché".
Il serait effectivement farfelu de ressortir un homme ou une femme en particulier, ce qui irait de surcroît à l'encontre du cœur de la réussite de ce projet, qui a été de s'appuyer sur ces hommes et ces femmes qui ont contribué à cette aventure.
Pour en finir, sur le contrôle, je vous rejoins, il y a eu une initiation engagée par cette formidable sachante de la Compagnie qui a drainé un comportement et du savoir-faire unique chez l'expert.
Le contrôle d'aujourd'hui se fait dans le même état d'esprit par ceux qui ont suivi la formation initiatique du début. C'est le jeu de la transmission avec ses risques, bien sûr.
Il est aussi en réflexion profonde et permanente grâce à la capacité que donnent les nouveaux moyens technologiques et surtout du fait de la pression des clients et des enjeux, qui changent constamment le contexte.

Cordialement

Christophe Faurie a dit…

Tout ceci est décidément très intéressant.
Je pense qu'il illustre la problématique du contrôle par la culture.
C'est une idée fondamentale en Allemagne : quand on a confiance en quelqu'un, on lui laisse toute liberté. Du coup, la première partie de la vie dans une entreprise est une phase de socialisation.
Il me semble que c'est ce qui s'est passé ici: une expérience commune a construit un lien fort entre client et fournisseur, ce qui fait qu'ils partagent de mêmes valeurs.
C'est une solution au problème de l'agence que les prix Nobel d'économie n'ont peut être pas envisagée.