vendredi 29 mars 2013

Si l’entreprise veut redevenir performante, elle doit reconstruire son tissu social

L’entreprise française va mal. Plus de marge de manœuvre. On nous le serine tous les jours. Pour ma part, je crois qu’elle a un réservoir colossal de performance interne. Deux exemples le feront comprendre.
  • Un manager me disait que dans son entreprise les commerciaux, qui négocient des contrats de plusieurs centaines de millions, jouent du prix plutôt que de l’argument technique. Comportement classique. Mais conséquence qui l’est moins. Car, prendre un contrat à perte est peu de choses au regard de ne pas l’avoir, mais pas lorsque la pratique est systématique. Car les ordres de grandeur en jeu dépassent les marges de l’entreprise ! Beaucoup d’entreprises ne seraient pas aux limites de la faillite si leurs services étaient correctement vendus. Faute des commerciaux ? Non. Délitement du lien social. Aujourd'hui, le commercial est seul. Sa propre entreprise lui est hostile. Et s'il perd un contrat, il est viré. Ce ne fut pas toujours ainsi. J’ai travaillé avec les commerciaux d’IBM dans les années 80. Non seulement, ils étaient fortement encadrés, mais il existait de véritables rites pour ne pas baisser les prix, tout en faisant le bonheur du client.
  • Le scandale du Libor. Ce taux, dont dépendent des milliers de milliards de transactions financières, a été manipulé par des traders. Il a suffi de lire leurs mails pour prouver leur culpabilité (Exemple : « c’est vraiment dément que trafiquer le Libor puisse vous faire gagner autant d’argent »). Pourquoi les banques ne savaient-elles pas ce qui se disait haut et fort ? Faute de lien entre direction et opérationnels. L’entreprise moderne est faite d’électrons libres.  
Pilotage de la performance et bonnes pratiques
L’entreprise a été victime du pilotage par indicateurs. Elle a cru qu’il suffisait d’indexer un salaire sur un objectif pour, par miracle, diriger ses employés. Mais, la réelle performance n’est le fait que d’un travail d’équipe. Ce n’est que dans ces conditions que non seulement l’homme fait le meilleur, mais aussi qu’il ne peut parasiter l’entreprise. Car il fait l’objet du seul contrôle efficace : le contrôle social.

Et il y a eu pire : l’entreprise est allé chercher les « bonnes pratiques » à l’extérieur. En appliquant ce que tout le monde faisait, elle a perdu toute originalité. Elle est contrainte à la concurrence par la réduction de coûts.

La révolution viendra de l’intérieur
Que faire ? Le contraire. L’entreprise doit jouer sur son identité, ce qu’elle est la seule à pouvoir apporter au marché. Alors, fin de la pression concurrentielle et retour à des marges élevées. Mais aussi temps nécessaire pour développer patiemment son avantage concurrentiel. C’est la stratégie de l’entreprise allemande.
Le changement ne doit pas venir de l’extérieur, comme aujourd’hui, mais partir de l’intérieur. Les entreprises doivent reconstruire leur lien social. Re solidariser leur tête et leur corps. Et comprendre ce qui fait leur richesse. Unique.

2 commentaires:

Dominique Delmas a dit…

Bien sûr j'adhère et suis dans cette logique mais pourquoi ce bon sens est il absent?

Christophe Faurie a dit…

Un autre discours, tout aussi évident, a dominé le monde ces derniers temps.
Il disait que la performance de l'entreprise dépendait de celle de l'individu. Il suffisait de mesurer sa contribution, et de le rémunérer en fonction de ses résultats. Cela conduirait à l'optimum économique. Simple bon sens.
D'où, pilotage à la performance. Résultat: plus d'entraide, l'entreprise est faite d'électrons libres. Plus de savoir collectif, non plus. D'ailleurs, on le pille, puisque les décennies d'accumulation de savoir-faire qui ont donné à l'entreprise une position unique ne comptent pas. Et le dirigeant se retrouve sans pouvoir: comment diriger des individus qui n'obéissent plus à aucune règle collective? C'est l'anarchie!