Et si j'avais eu raison ? J'ai soupçonné que le dirigeant d'Alcatel avait vendu la société faute de savoir comment la redresser. Aujourd'hui, il en part. L'affaire révèle, au passage, un effet pervers des stock options. Une vente d'entreprise conduit mécaniquement à une augmentation radicale du prix de l'action. Le dirigeant, rémunéré en actions, a tout à gagner à vendre sa société. C'est aussi l'intérêt des actionnaires. Est-ce celui de l'entreprise ? Et, plus largement, de la société ?
Cette histoire soulève surtout la question de notre modèle français d'administration des grandes entreprises. Le dirigeant d'Alcatel appartenait au corps des télécommunications. C'est un corps de hauts fonctionnaires auquel on a, principalement, accès à la sortie de polytechnique. Toutes nos grandes entreprises sont dirigées par de tels hauts fonctionnaires. Cela nous vient de l'après guerre, et aurait été conçu sous Vichy. En ces temps, l'Etat planifiait l'évolution de la France, et le haut fonctionnaire mettait en oeuvre ce plan. C'était un exécutant. Un des objectifs de l'époque était le plein emploi. La planification a disparu, pas le haut fonctionnaire. Curieusement, comme on le reproche aujourd'hui au dirigeant d'Alcatel, il semble avoir changé de façon de faire : il n'assure plus le plein emploi, mais il licencie. Il pense que l'entrepreneuriat consiste à réduire des coûts.
Comment ce modèle peut-il changer ? Faut-il brûler le haut fonctionnaire en place publique ? Mais lui trouverait-on un remplaçant ? Partout notre système privilégie le manager, l'exécutant, par rapport au leader, celui qui, par définition, sait réussir le changement. La transformation de notre modèle national ne semble, donc, pas pouvoir se faire par miracle. Par remplacement de quelques brebis galeuses. Surtout, pour bien diriger une entreprise il faut de l'expérience. Seuls les hauts fonctionnaires ont pu l'acquérir.
La sélection naturelle semble notre dernier espoir. De hauts fonctionnaires peuvent se révéler des leaders, et réussir. Leur exemple sera imité. Plus vraisemblablement, le démantèlement de nos grandes entreprises pourrait laisser la place à des PME emmenées par de vrais patrons. En espérant que les dîtes grandes entreprises ne partent pas avec le savoir-faire qui permet de créer les petites...
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