samedi 31 décembre 2011

Fin d’année ou fin du monde ?

Sans qu’il l’ait voulu, ce blog est né avec la crise. Il passe son temps à la commenter. D’ailleurs la crise est le propre du changement (d’une certaine façon elle tombe bien pour un blog qui parle de changement ?).

Voici quelques réflexions sur la situation du changement en cours. Un billet déconseillé aux dépressifs.


Le libéralisme en question

Depuis le début de cette crise mes idées sur son mécanisme n'ont guère évolué. Certains acteurs économiques, la finance en particulier, sont parvenus à occuper une place qui ne leur revenait pas. Ils ont créé une situation qui n’est pas « durable » (au sens « développement durable »). Ils l’ont fait pas une prise de risque incontrôlée. Les banquiers, par exemple, ont prêté à un marché insolvable tout en réduisant, pour disposer de plus d’argent, les réserves qui servent à les garantir des crises.

Plus étrangement, c'est le monde entier qui serait un château de cartes. Tout ce que l'on croyait, à commencer par le fabuleux destin des pays émergents, paraît une illusion.

L'histoire des BRICS peut se lire, d'ailleurs, autrement : dans les années 90, ils se sont libéralisés. Cela a été accompagné d'une forte croissance, mais a aussi résulté en déséquilibres dangereux. Peut-être sont-ils tentés de les corriger ?

Plus généralement, l'idée d'un marché qui s'autorégulerait et ferait le bien collectif, idée qui nous a valu la déréglementation de nos services publiques et de l'industrie financière, l'Europe des très nombreux et peu intégrés, le règne d'agences de notations à but lucratif..., semble avoir du plomb dans l'aile.

Années folles ?

Notre société semble passer régulièrement par des phases « Yin » libérales et « Yang » sociales. 68 a probablement marqué une de ces transitions. Une soupape s’est levée, qui a libéré la population de contraintes apparemment suffocantes. La phase hédoniste qui s’en est suivie a conduit à la victoire de ceux qui avaient une situation sociale avantageuse, les oligarques, sur les autres, et à l’exploitation parasitaire des ressources existantes – cf. la mode de la « supply chain », plutôt qu’à l’innovation et au gain de productivité.

Ce qui me donne la curieuse idée suivante. Et si, du SDSF à l'oligarque, nous avions connu une formidable liberté ? Nous pensions construire alors que nous dissipions l'héritage de l'après guerre ? D'où un sentiment de facilité ? Et si notre avenir était à la rigueur, comme on nous le dit ? Mais à une rigueur qui ne soit pas que budgétaire, une rigueur intellectuelle avant tout ? Et si nous devions réapprendre à travailler consciencieusement, sans rêver de gloire instantanée, de succès sans effort ?

Cas particulier européen

Question : entrons-nous dans une phase de construction européenne ? En tout cas, la crise de l’euro ressemble beaucoup aux changements de l’entreprise. Les cadavres tombent des placards. Le principal est l’idée d’Europe. L’Europe est une création de l’Amérique et de la Guerre froide. Nous y sommes allés, les Anglais plus que tout autres, contre notre volonté. Bref, nous, le peuple, n’avons pas répondu à la question initiale : voulons-nous d’une identité européenne ? Si oui, les bénéfices de l’Europe sont devant nous. Mais à inventer.

Rien ne va plus

Il s’agit maintenant de refermer la boîte de Pandore, sans susciter le désastre d’un nettoyage par le vide. Les banques, par exemple, doivent augmenter leurs réserves, ce qui pourrait les ramener à leur situation des années 80. Parallèlement, la phase d’exploitation du moins disant international pourrait céder la place à un repli sur soi des nations, qui devront réapprendre à développer leurs ressources propres. Mais, comme le disait Keynes, "à long terme nous sommes tous morts". Ceci ne peut réussir que si le monde parvient à changer de cap sans dommages.

Trois scénarios paraissent se dégager. Vie sur une poudrière ; effet domino suivi par un tsunami, façon années 30 ; réinvention et nouvelles décennies glorieuses.

Les gouvernements mondiaux paraissent vouloir faire le strict minimum pour rester dans le premier scénario. Vont-ils éviter le second ? Tentation dogmatique allemande, égoïsmes nationaux, obsession de la multinationale de la réduction de coût, médiocre personnel politique... Il n'en faudrait pas beaucoup pour que l'aléa moral n'emporte la situation.

D'ailleurs, que le monde soit dominé par les préoccupations personnelles, en particulier de nos politiques, est une conséquence naturelle d’une phase libérale. Mais, comme je le note régulièrement, le plus étrange est une forme de doute et d'honnêteté intellectuelle. L'humanité est incertaine. Vivons-nous la fin des idéologies ?

L'inquiétude étant la meilleure disposition vis-à-vis d'une crise (en fait d'un changement), je continue à penser que c'est une raison d'espérer.

Le coin de la théorie

En quoi ceci illustre-t-il les théories du changement ?
  • Le scénario de la renaissance appartient à la systémique. Cette théorie prétend que nos malheurs viennent de cercles vicieux dans lesquels nous nous enfermons. Il suffit d'en prendre le contre-pied pour transformer la situation. Exemple : le plan Schumann, qui propose à l'Allemagne d'Adenauer une égalité qui va à l'encontre de la spirale revancharde des lois de la guerre.
  • Le scénario de la crise sans fin peut être interprété comme un apprentissage, une autre forme de changement. Il est peut être nécessaire à l'humanité d'avoir durablement peur pour être vaccinée contre ses erreurs ?
  • Le hasard semble jouer un rôle décisif à court terme. Cela illustre la théorie du chaos, et le fait que l'avenir est imprévisible.
  • Si l'on est convaincu que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, on parlera du modèle de destruction créatrice de Schumpeter. Et s'il fallait inventer un nouveau capitalisme, celui-ci n'étant pas durable ? Et si cette crise était notre chance de fonder un meilleur monde ?
C'était un brin d'optimisme, pour finir. 

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