Ce n'est pas la bonne façon de mener le changement, ai-je pensé en relisant "L'homme révolté" de Camus.
Il n'est pas étonnant que Sartre ait mal pris L'homme révolté. C'est une attaque violente contre lui. Car Sartre est un "révolutionnaire". Et le livre de Camus s'en prend aux révolutionnaires. Le révolutionnaire est un zélateur de la pensée abstraite. Elle veut façonner le monde, sans se préoccuper de sa réalité. C'est le nihilisme, la destruction de l'homme par le concept, par l'artificiel. C'est le crime contre l'humanité. Tout est à jeter dans Sartre. Même ses lectures. Car l'existentialisme de Sartre vient d'Heidegger, et, pour Camus, la pensée allemande est mortifère.
Et il y a le non dit. Sartre est intellectuel et grand bourgeois. La raison d'être de l'intellectuel est de s'en prendre à la bourgeoisie, pour défendre le déshérité. Or, Camus est, justement, un déshérité. Orphelin de père, une mère handicapée. La misère. Heureusement qu'il y eut la 3ème république et un instituteur. Or le pauvre Camus ne se reconnaît pas dans le paradis que lui destine l'intellectuel Sartre. Aussi, Sartre se veut "intellectuel engagé". Or, Camus, a été résistant pendant une guerre que Sartre aurait plutôt eu tendance à vivre du mauvais côté. Finalement, et c'est peut-être le pire. Sartre est un être d'élite, un normalien, et, en plus, un agrégé de philosophie. De quel droit Camus, qui n'est rien du tout, peut-il oser penser ? Dans le monde de Sartre, les putains sont respectueuses.
Camus dénonçait le nihilisme. Mais, il a été nihiliste, vis-à-vis de Sartre. Accepter la critique de Camus, c'était se reconnaître comme Tartuffe. C'était reconnaître l'absurde de sa pensée. Etre réduit au néant. Ce qui explique peut-être pourquoi Sartre a eu droit à la sympathie de la société.