Savez-vous dire non ? Soit on est brutal, et l'on se fait un ennemi. Soit, plus souvent, on dit oui, par faiblesse, et on s'en mord les doigts. Et si les grandes révoltes venaient de oui exprimés à la légère ? "Comment dire non" est un livre essentiel.
La recette qu'il donne pose une question existentielle : pourquoi ne l'appliquons-nous pas de nous-mêmes ? En très résumé : pour que notre "non" soit respecté, il faut que nous respections l'autre. Et cela demande que nous nous respections. Mais encore ?
Respecter l'autre, c'est "l'écouter et le reconnaître", c'est, tout bêtement, le traiter en être humain. C'est se demander, sincèrement, qui il est, ce qui compte pour lui. Et pour cela, il faut lui donner une explication solide, c'est-à-dire basée sur nos "intérêts, besoins et valeurs". Il faut donc les connaître, ce qui demande une plongée en soi.
La démarche est "oui, non, oui ?" Le premier oui est un oui à soi-même : voilà ce qui est important pour moi, dans la vie, ce à quoi je dis "oui". D'où un "non" qui est, simplement, ce que je ne peux pas faire compte-tenu de ces règles. Le tout finissant sur un "oui ?", qui ouvre une autre issue à une collaboration, qui découle du oui initial, et de ce que l'on comprend des talents et aspirations de l'autre.
Du coup, me suis-je dit, chaque rencontre devient une chance ! Chance d'approfondir la connaissance de soi, chance de profiter de l'autre, pour réaliser un potentiel, inconcevable jusque là, de se transformer, de "grandir".
Théorique ? Un exemple d'application :
Dans ma jeunesse j'ai négocié, les uns derrière les autres, parfois plusieurs fois par jour, le renouvellement de contrats avec des "grands comptes". A chaque fois, un acheteur me disait : "je veux moins cher". Je répondais, énervé (mais poli ?) : "si nous réduisons nos prix, nos équipes, qui ont un objectif de rentabilité, vont accélérer leur travail ; ce qui nous fait prendre un risque pénal, que je refuse. D'ailleurs, votre responsabilité est engagée avant la nôtre. En revanche, il y a des domaines dans lesquels, du fait de notre passé, nous sommes plus performants que nos concurrents. Testez-nous." Cela a été si efficace que nos ressources ont été saturées en moins de trois mois. Non seulement j'augmentais mes prix, mais je ramenais des contrats sans commune mesure avec ceux dont j'étais allé discuter. Le plus curieux, c'est que personne ne m'avait demandé de remonter nos prix. J'avais pris cette fonction, supplémentaire, du fait de la désertion d'un collègue (à qui je n'avais pas su dire non). Mes propos reflétaient, effectivement, une conviction personnelle.
Mais l'histoire finit mal. Je me rends compte que lorsque j'ai correctement dit non, je l'ai fait à la méthode Ury. Malheureusement, avoir le non respectueux systématique ne va pas de soi.