Pourquoi la société perd-elle la mémoire ? me suis-je demandé. Comment retient-elle ? est la question du jour.
Il semble qu'une grosse partie du phénomène s'explique par ce que l'anthropologie appelle des "artefacts". Il ne faut pas entendre par là seulement des tessons de poterie, ou des biens matériels, ou même des livres de philosophie. Il y a aussi des "rites". C'est la manifestation concrète d'une culture. Dans une entreprise, c'est la façon de résoudre des problèmes (par exemple en organisant une réunion), ou d'accueillir les nouveaux... Pour la nation, c'est le code de la route, les rencontres du G7, etc.
Tout cela est notre héritage collectif. Il nous guide. Mais il nous guide curieusement, comme je le disais dans mon précédent billet. Car, ce n'est pas l'esprit de l'inventeur des artefacts qui nous est communiqué : nous devons interpréter ce qui nous entoure. Et c'est ainsi que l'on se casse la tête pour saisir la pensée de Hegel ou de Platon, ou encore pour interpréter Bach, dont on perd peut-être l'essentiel. Et c'est pour cela que "populisme" est employé aujourd'hui dans un sens qui n'est pas celui du Robert, et que les mots changent de sens.
On peut, aussi, refuser l'héritage. Souvent, on juge, sommairement, la "modernité" préférable aux techniques du passé. L'entrepôt de Carrefour à la cathédrale gothique. Cela peut venir de la difficulté à comprendre le passé, justement, et son potentiel de modernité.
Plus curieux. La génération d'avant guerre s'est battue pour l'éducation pour tous comme libération de l'homme, et progrès de l'humanité. Or, la génération 68, qui a profité de l'éducation pour tous, a brandi Marx, pour prouver que l'école était un asservissement, et l'élève un prolétaire. De même, la célébrité vient généralement après la mort, alors que l'on ne peut plus interroger l'auteur sur son oeuvre. Tout se passe comme si la société voulait couper nos actes de leurs intentions. Le contre-sens, comme artefact ?
Faudrait-il concevoir une société "fool proof", qui résiste aux écervelés ?
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