vendredi 5 décembre 2008

L’entreprise n’appartient pas à l’entrepreneur

Souvenir d’une discussion avec William Johnston, entrepreneur américain installé en France. Il reproche à notre pays sa législation. Il ne peut pas licencier. Il n’est pas libre de faire ce qu’il veut de ce qu’il a créé.

Et nos enfants ? Ils ne demandaient rien, nous les avons créés, nourris, logés, éduqués… Pourquoi n’en ferions nous pas ce que nous en voulons ? Par exemple en les transformant en réserves de pièces détachées pour nos vieux jours ? Ce n’est pas pareil ? Le droit français pense que si : l’entreprise est un être. Et la science semble lui donner raison. Mais c’est théorique.

L’entrepreneur n’a-t-il pas sacrifié sa vie pour notre bien ? Je n’en suis pas sûr. Ceux que je connais étaient incapables d’obéir aux lois d’une entreprise, ils ont créé la leur.

D’ailleurs, comme l’observait Schumpeter, l’entrepreneur combine des ressources existantes, il ne crée pas à proprement parler. Il utilise habilement ce que la société lui a donné, à commencer par une éducation et un réseau relationnel. Pensez-vous qu’il soit très difficile d’être entrepreneur, en Angleterre, quand on a fréquenté Eton et que l’on connaît tout ce que le pays compte de puissants ?

Et Bill Gates : il a accès aux premiers ordinateurs durant sa formation (il faudra attendre des années pour que la préférence française pour l’industrie nationale offre au mieux aux étudiants français les cartes perforées et les bugs des machines Bull), il fait des études à Harvard, sa mère siégeait dans un conseil d’administration où se trouvait un dirigeant d’IBM (qui sera important pour le développement de Microsoft), ses très riches parents lui offrent une maison, alors que Microsoft est déjà une belle entreprise. Quel risque a-t-il couru ?

L’entrepreneur a sûrement droit au respect. Il est la clé de voûte du capitalisme. Mais, de ce fait, il fait parti d’un mécanisme social, auquel il doit le respect. Servant leader disent les anglo-saxons. En tout cas, rien ne semble justifier une rémunération excessive (du type de celle de Bill Gates) : ni le risque qu’il prend (comme veut nous le faire croire la théorie économique), ni la motivation qu’elle est supposée apporter (Bill Gates aurait été motivé à 10.000 fois moins !).

Complément :
  • Les théories sur le profit se répartissent en 2 : celles qui l’attribuent à une position monopolistique, celles qui en font la rémunération de l’incertitude. Je crois qu’il y a un mélange des deux. Schumpeter explique que l’entreprise doit faire face à la destruction créatrice : elle doit s’adapter en permanence, et donc garder des réserves pour cela (la crise actuelle le démontre). Le cas Bill Gates prouve que ce n’est pas tout.
  • Sur les théories du profit : KNIGHT, Franck H., Risk uncertainty and profit, Dover, 2006.
  • SCHUMPETER, Joseph A., Capitalism, Socialism, and Democracy, Harper Perennial, 3ème edition, 1962.
  • Sur les enfants comme pièces détachées : Conte de Noël.
  • Du droit français : Idéologie et théorie économique.
  • Et William Johnston : William Johnston: Master class en conduite du changement.

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