M.Trump n'est pas un clown, disait un de mes précédents billets. Il représente un des principaux courants de pensée historiques. C'est l'anti globalisation, qui est associée aux très anciennes thèses dites "protectionnistes".
Richesse et compétences des nations
Son idée est que les nations acquièrent des savoir-faire, tels que la fabrication textile, la construction d'avions, la conception de produits de luxe, grâce à un travail de la société long et complexe. Cela exige un investissement colossal. Ces savoir-faire sont quasiment impossibles à acquérir par d'autres. Comme le démontre la France, on ne crée pas des "champions nationaux" en un claquement de doigts. En nourrissant l'innovation, ces savoir-faire font la richesse d'une nation. Une simple observation peut convaincre de la force de ce point de vue : des continents entiers sont incapables de créer de nouvelles industries, en dépit de siècles d'efforts et parfois en ayant profité de mannes financières gigantesques (Arabie Saoudite, et, périodiquement, Amérique du sud), ils demeurent des fournisseurs de matière première.
L'innovation est un cercle vertueux. Car c'est aussi l'innovation qui fait que le pays demeure compétitif dans un de ses métiers culturels. Si l'industrie textile a disparu de France, ce n'est pas de la faute de salaires élevés, mais, plus probablement, du fait de l'incompétence des gestionnaires de ces filières, incapables de faire leur métier d'innovateur intelligent. La destruction créatrice de l'innovation ne remplace pas de vieux métiers, elle les rajeunit.
Le protectionnisme n'est pas une autarcie. Ses théoriciens expliquent que la création d'un nouveau savoir-faire est un exercice difficile. Comme une plante naissante, il faut le protéger du vent, de la concurrence. Mais, une fois que le savoir-faire est solide, il n'y a plus besoin de protection. On peut alors échanger les biens produits sans précaution. Et c'est dans l'intérêt de l'humanité.
Détail intéressant : l'innovation est une question de "cluster". On parle de "copétition". L'innovation est favorisée par la proximité d'entreprises qui sont stimulées les unes par les autres. Elles sont concurrentes tout en s'imitant. La globalisation est l'antithèse de ce creuset créatif.
Les principes de la globalisation
La globalisation des dernières décennies, avec sa fameuse "supply chain", a conduit à transférer ces savoir-faire dans les pays dits à "bas coûts". Les pays d'origine ont perdu, peut-être définitivement, leurs compétences. Car ces compétences sont faites d'un écosystème difficilement concevable de petites entreprises complémentaires, et très fragiles.
La globalisation a pu avoir des motivations peu durables. En exploitant les différences de salaires entre nations, il était possible de gagner beaucoup, sans effort, sans innovation. Mais elle repose peut-être aussi sur des idées respectables. Lorsque la France et l'Angleterre (de Mme Thatcher) ont laissé sombrer des secteurs qu'ils jugeaient sans avenir, ils pensaient que l'argent qui les irriguait irait ailleurs, où il serait mieux employé. Il est possible que les chantres de la globalisation aient pensé de même. En poussant les vieilles industries à l'Est, cela ferait de la place aux industries de demain. L'expérience a échoué.
Dialectique du protectionnisme et de la globalisation
Il y a quelque-chose de mystérieux dans le capitalisme, c'est que certaines nations parviennent à créer des industries, et d'autres pas. Peut-être est-ce une question culturelle. Peut-être aussi que le temps de la création est passé. Pour autant, pouvons-nous laisser crever ceux qui ne parviennent pas à acquérir de compétences créatrices ?
La France et l'Allemagne produisent toutes les deux des voitures, sans que l'industrie de l'une ait tué celle de l'autre. Cela vient de ce que les savoir-faire sont différents et qu'ils correspondent à des besoins différents. Il pourrait en être de même pour le monde. Sans perdre nos compétences, nous pouvons les installer ailleurs. Avec un peu de chance, la culture locale en fera quelque-chose que nous ne savions pas faire. Et tout le monde y gagnera.
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