mercredi 13 juin 2018

Le programme du ministre de la transmission

Situation paradoxale. Nous mettons à la retraite les êtres humains les plus expérimentés, et ce pour des durées immenses. D’où déficit de notre système de retraite, prélèvements qui plombent les sociétés, et perte massive d’expérience. Comment inverser ce phénomène sans bouleversements ? Comment permettre aux retraités de participer à l’économie ? Bref, comment organiser la transmission de leur expérience ? J’ai demandé à Christian Kozar : 

Que feriez-vous si vous étiez nommé ministre de la transmission ? 

J’en serais très honoré, effectivement ce ministère manque cruellement. Dans notre société, jeunes et moins jeunes ont l’impression de tout savoir. D’ailleurs ne peut-on pas tout trouver avec Google ? Par conséquent, il n’est pas question de leur donner de conseils. Voici le principe de base. De plus, ils croient que lorsque l’on a plus de cinquante ans, on n’est plus dans le coup.

Faire boire un âne qui n’a pas soif ? 

Jamais d’attaque en direct. Il ne faut pas donner l’impression que l’on est un parent qui s’adresse à un enfant, ni l’inverse d’ailleurs. (Mes petits enfants m’appellent par mon prénom. Pas question de pépé, papy ou autre. Je suis comme eux, il n'y a pas celui qui sait.) Il faut comprendre ce dont a besoin celui que l’on veut aider. Il faut l’attaquer sur un créneau particulier, pas sur sa compétence générale. Inspirez-vous de The Americans, la série de Netflix. L’histoire d’agents du KGB infiltrés aux USA. Il faut entrer dans la tête des gens. Il faut trouver la faille, le besoin, le problème qu’ils ont. Mais, pas les faire chanter, ce n’est pas efficace. Ensuite, il faut un porte-parole, qui dise : « tu sais, je connais un gars qui pourrait t’aider ». Enfin, il faut aller vers lui en le considérant comme étant meilleur que soi.

Par exemple ? 

Quand vous rencontrez un jeune dirigeant de start up, vous lui dîtes : « bravo, vous révolutionnez votre métier. Je serais bien incapable de trouver les algorithmes comme vous. Bien sûr, il y a deux ou trois dangers qui vous guettent. Mais vous saurez facilement les surmonter ». Cela lui donnera envie de vous demander quels sont les deux ou trois dangers en question.

Et le ministère de la transmission que va-t-il faire ? 

Il faut constituer un vivier de compétences et d’expériences. On doit connaître les talents particuliers des membres du groupe en quelques exemples très concrets. Par exemple : a négocié avec la CGT, a réussi à imposer sa réforme sans prime ni grève… Ensuite, c’est au jeune de venir demander. « J’ai des problèmes sociaux, je ne sais pas comment faire avec la CGT, un gars m’a dit que vous saviez traiter la question. » Pour un jeune qui se lance, ça permet, sans s’abaisser, de trouver un conseil, une confiance, quelqu’un qui a du temps, et ça ne coûte pas la peau des fesses.

Conseil gratuit ?

Le conseil doit être payant, sinon il n’a pas de valeur.