samedi 18 avril 2009

Changement : apprendre avec Obama

Depuis quelques semaines je commente des sources d’informations américaines, qui paraissent inquiètes quant à l’avenir des USA. J’étais curieux de savoir ce qu’en pensait The Economist.

Il y a accord. Oui, le gouvernement américain imprime de l’argent, oui les récents résultats « exceptionnels » des grandes banques sont conjoncturels et non récurrents ; oui, elles sont shootées au bonus et veulent rembourser l’aide de l’état pour pouvoir les toucher à nouveau ; Non, ce serait une mauvaise idée de le faire : elles ne sont pas guéries, et croire en leur bonne santé pousserait dans la tombe leur concurrentes. Mais on n’en tire aucune conséquence, seulement que la reprise sera longue et douloureuse.

À quelque chose malheur est bon. Je dis souvent qu’apprendre la conduite du changement c’est principalement apprendre à connaître les erreurs qui tuent le changement. Le gouvernement Obama nous donne une leçon :

La réforme des banques : l’exemple type du changement

Le problème qui se pose aujourd’hui au gouvernement américain (et au monde), c’est que l’économie des USA est aux mains de grandes banques qui sont en faillite inavouée, qui ont un comportement extrêmement dangereux (il est à l’origine de la crise), et qui ne cessent de grossir, rendant leur faillite inacceptable.

Le gouvernement doit donc réformer cette culture. Il pouvait le faire par la force, par nationalisation, et en remplaçant leur personnel (« nettoyage ethnique »), ou en les aidant à trouver un nouveau comportement qui ne compromette pas l’avenir de la planète. Ce comportement, évidemment, ne peut être imposé. C’est cela que l’on appelle un « changement ».

Bush et Paulson : l’erreur du débutant

Devant l’ampleur des dégâts qui s’annoncent, le précédent gouvernement décide de sauver son système financier. Avant qu’il le lui demande. Erreur : sauver quelqu’un contre son gré fait de lui un ennemi mortel. Leçon que la vie nous apprend.

Mais l’erreur est plus grave. Il a raté la possibilité de changer les banques. Une culture ne peut changer que si elle est soumise à une « anxiété de survie », et si on l’aide à combattre son « anxiété d’apprentissage ». Autrement dit sans crise, il n’y a pas de changement, c’est une leçon essentielle. Dès que la culture à réformer perçoit une crise, elle est ouverte à l’aide extérieure et prête à suivre ses recommandations pour peu qu’elles sachent le faire, et qu’elles ne lui soient pas inacceptables.

Obama et Geithner : on persévère

Le gouvernement Obama hérite de banques dangereusement fragiles, mais sur lesquelles il n’a plus aucun pouvoir. Nouvelle erreur de débutant : le passage en force. Pour satisfaire l’opinion, il s’en prend aux bonus des banquiers. Or, le bonus est, comme le rappelle The Economist, le principe même sur lequel une société comme Goldman Sachs s’est construite. C’est comme si on privait l’homme d’air. Et alors se passe ce qu’il se passe toujours dans ce cas : Goldman fait dire à la loi l’exact opposé de son esprit.

Quand on est face à plus fort que soi, on n’a qu’une solution : le judo. Entrer dans sa logique (celle du bonus), pour l’amener à réaliser le bien collectif. Ce qui n’est pas facile, je le concède.

Obama, Geithner et Bernanke : on s’enfonce

Que faire lorsque l’on n’a pas ce talent ? « Innover » selon la définition de Robert K.Merton. Tricher avec ce en quoi on croît le plus. Dans ce cas la victime est la démocratie. Sachant que sauver les banques est impopulaire, le patron de la Réserve fédérale et le ministre des finances font appel aux ressources de leur génie pour trouver de l’argent qui ne demande pas l’approbation du congrès.

Cela peut bien signifier violer quelques principes économiques. Généralement les économistes préfèrent les subventions publiques aux subventions cachées. M. Swagel dit que le Trésor en est venu à réaliser que sous-évaluer l’assurance des actifs bancaires soulevait moins d’opposition politique que surpayer ces actifs, justement parce que l’assurance est moins transparente. Le trésor se repose aussi sur la Réserve fédérale pour financer les actifs non liquides en imprimant de l’argent, parce que cela ne demande pas l’approbation du congrès (même si cela compromet l’indépendance de la Réserve fédérale).

Ils font ce que l’on reproche aux banques et à Enron : ils détournent l’esprit des règles de la démocratie pour faire ce qu’ils croient bon. Plus exactement, ils ne savent pas si c’est bon, mais ils ne voient pas comment faire autrement. C’est exactement pour cela qu’il n’est pas intelligent d’avoir débranché les mécanismes démocratiques : l’homme seul est idiot, le groupe est intelligent.

En tout cas, je me perds en conjectures quant à la probité intellectuelle d’un Obama, qui n’a que « démocratie » à la bouche et qui la trompe à la première occasion.

Et nous là dedans ?

Jean-Noël Cassan avait exhumé les travaux d’un « think tank » qui estimait que l’on allait vers des émeutes armées (ce qui avait été repris par le Monde). J’en doutais. Une fois de plus il est possible que j’aie eu tort. Dominique Moïsi, de Harvard, fait un parallèle entre la France de 89, et les USA d’aujourd’hui. La situation n’est peut-être pas aussi explosive, mais les paysans français n’étaient pas équipés de fusils d’assaut…

Si je suis cohérent avec moi-même, je crois que la seule option que nous ayons est de laisser l’Amérique apprendre de ses erreurs. Le jour où elle y sera disposée nous pourrons peut-être lui donner quelques conseils. En attendant, il faut les chercher, et, surtout, réfléchir à comment ne pas être entraîné par elle. (à suivre)

Compléments :

Aucun commentaire: