NOIRIEL, Gérard, Le creuset français, Seuil 2006. Histoire, écrite en 1986, de l’immigration en France.
La notion d’immigration est apparue assez tard, vers 1880, à une époque où être citoyen a commencé à signifier des avantages. (Jusque-là, on était assez indifférent à l’étranger.) Apparaît alors la notion d’identité, les papiers et le processus administratif (kafkaïen) qui va avec.
En fait, la France est, avec les USA, une nation construite sur l’immigration. Cela est, en ce qui nous concerne, une question de résistance au changement. La France a refusé l’industrialisation, et ses emplois ingrats. Elle a voulu demeurer rurale. L’arme de la résistance ? le malthusianisme. La France a concentré ses moyens sur une progéniture volontairement réduite, afin de lui garantir une situation privilégiée. À cela s’est ajouté le pouvoir que lui a donné le droit de vote.
Depuis, l’immigration suit des cycles. En période de croissance, l’entreprise va chercher l’immigré pour remplir l’emploi dont personne ne veut, mais que requiert le changement technologique du moment. Puis c’est la crise. Apparaît alors un discours xénophobe, dont le rite s’est mis au point durant la crise de 1930, et dont la tradition se perpétue depuis sans qu’il corresponde forcément à une préoccupation majeure de la population. L’immigration s’arrête, la dernière vague se stabilise. A son tour, elle va diriger ses enfants vers les meilleurs emplois, créant un nouveau besoin d'immigration.
La France doit à son immigration, qui concerne aussi bien l’agriculture que l’industrie, une grande souplesse, un certain dynamisme, et une main d’œuvre peu coûteuse. En contrepartie elle y a peut-être perdu un stimulant à l’innovation.
Quant au processus d’assimilation, il semble un parcours du combattant. D’ailleurs, beaucoup d’immigrés n’ont fait qu’un passage chez nous. Les immigrés sont amenés par les entreprises et vivent initialement dans des ghettos. Choc culturel : ils traversent brutalement une transition qui nous a demandé des siècles : d’une vie communautaire à une société impersonnelle organisée par une administration bureaucratique. Ce sont les institutions (école, entreprise…) qui assurent leur intégration. Comme aux USA, elle est achevée à la troisième génération.
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