The New Industrial State, (Princeton University Press, 1985) de John Kenneth Galbraith est un livre important.
Il explique la période qui nous a immédiatement précédés. Elle était marquée, aux USA, par la « technostructure » et la planification. Comment en était-on arrivé là ? La technologie, ses énormes investissements et ses très longs temps de cycles. Il n’était plus possible de s’en remettre aux hasards du marché : l’avenir devait être prévisible. Aussi de très grandes entreprises s’étaient-elles constituées qui n’en dépendaient plus. Elles y étaient parvenues par plusieurs moyens : leur marketing façonnait le citoyen qui leur était nécessaire (travaillant et dépensant de façon prévisible, programmé pour consommer, insatiablement, leurs produits – qui ne répondaient à aucune véritable nécessité) ; leur organisation en oligopoles de monstres dominant un secteur économique permettait une collusion implicite qui stabilisait les prix ; en distribuant relativement peu à leurs actionnaires elles disposaient de ressources qui les rendaient indépendantes des marchés financiers ; même les syndicats avaient un rôle de stabilisateur. Dans cette organisation, l’État keynésien d’après guerre était une pièce clé. Parce qu’il était très gros il pouvait réguler la demande par ses dépenses et ses impôts. Il leur fournissait aussi les marchés captifs de l’armement et il prenait en charge les recherches trop incertaines. Surtout, il leur apportait la ressource critique sans laquelle pas de technologie : un personnel hautement qualifié.
Ces entreprises étaient dirigées par une « technostructure » de salariés, s’identifiant totalement à leurs objectifs. La complexité de leur métier les rendait dépendantes de ces nuées d’experts, qui ne décidaient qu’en comités, le rôle du management se réduisant à édifier correctement ces équipes. Le pouvoir était au groupe. Le danger ? L’interférence extérieure. C’est pour cela qu’il s’était isolé de toutes les influences néfastes, à commencer par celles d’actionnaires (éparpillés et donc impuissants), et de dirigeants, qui n’auraient rien compris à ses processus complexes.
Pourquoi cet édifice apparemment inébranlable a-t-il chu ? En quoi peut-il nous en dire long sur les caractéristiques de notre société ? Les forces qui ont façonné notre crise ? Pourquoi cette question est-elle à l’origine de mon métier, la conduite du changement ?... Questions pour de prochains billets.
1 commentaire:
Je pense que la planification est toujours de mise et doit dans une certaine mesure être recherchée.
Mais on ne peut planifier que ce qui est planifible et le monde d'aujourd'hui enchaine ce que John Chambers (Cisco) appelle les "market transitions" à un rythme de plus en plus rapide.
Le "planifiable" était de 30 ans, puis 20, puis 10, puis 5.. à tel point que la forme moderne de la planification devrait davantage être le couple "anticipation/réaction"...ou la planification a moins de 6 mois.
Enregistrer un commentaire