samedi 15 novembre 2008

Faut-il aimer Mao ?

Depuis des décennies, les Chinois se demandent si Mao était plus bon que mauvais. Actuellement on en serait à 70 / 30 selon Cyrille Javary (Le discours de la Tortue).

Difficile de trouver sympathique quelqu’un qui a fait disparaître des dizaines de millions de personnes. L’ordre de grandeur de la population française. On imaginerait mal peser le pour ou le contre de Staline ou d’Hitler.

Ce que Mao a d’intéressant pour moi est qu’il s’est livré à de la conduite du changement, avec des techniques qui ressemblent à celles de mes livres. Il voulait transformer la culture chinoise (au sens ethnologique du terme), y inscrire les règles que demandait le monde moderne. Pour cela il procédait par révolutions culturelles. Deux techniques :
  1. apprentissage de groupe, donner un « stretch goal » au peuple (produire le plus possible) ;
  2. « rectification », faire s’exprimer les foules et éliminer ou rééduquer ceux dont les propos s’éloignaient de la ligne désirée.
Il avait un talent exceptionnel : il mettait en ébullition le peuple chinois. Et ce beaucoup plus par art de la dynamique de groupe, que par la force. Peut-être était-ce l’électro choc qu’il fallait à une nation pour s’extraire de siècles d’apathie ? Sans cela, les gouvernants plus mesurés qui l’ont suivi n’auraient pas réussi ?

Pas sûr. Les dirigeants qui entouraient Mao étaient des gens remarquables, fort peu murés dans des idées anciennes ou dans celles de Mao. En outre, Mao a montré qu’il avait les moyen de mettre en mouvement la Chine, aussi arriérée soit-elle. Un processus plus démocratique, qui aurait consisté à fixer des lignes directrices et à faire construire un plan de mise en œuvre par cette équipe rapprochée, était possible, et beaucoup plus efficace. Il aurait évité à la Chine l’aveuglement de Mao. Mais il était probablement beaucoup trop sûr d’avoir raison pour cela. Mao était un esprit totalitaire : il a voulu imposer ses idées au peuple.

Mais peut-être ne faut-il pas trop lui en demander ? Après tout il semble avoir réveillé la Chine. Et, vues les épreuves qu’il a dû traverser pour cela, peut-on être exigeant ? Idem pour nos gouvernants, d’ailleurs : se faire élire est tellement complexe qu’il serait mal élevé de faire la fine bouche quant à leurs talents de dirigeants.

SHORT, Philip, Mao: A Life, Owl Books, 2003.

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