dimanche 16 novembre 2008

Syndrome de la victime

Un employé claque la porte d’une entreprise. Grief ? Pas clair.

Objectivement, les dirigeants sont des gens honnêtes et charmants. Manque de reconnaissance ? Il est vrai que l’organisation de l’entreprise est désastreuse. On promet, mais on ne tient pas. Mauvaise volonté ? Oubli, plutôt. Manque de méthode. L’employé se venge. Grève du zèle impeccable. Il n’assure plus ses responsabilités, alors que l’on comptait sur lui. Il joue avec talent sur les dysfonctionnements qu’il dénonçait. Et, il le fait légalement. Il va beaucoup perdre (va-t-il retrouver un travail ?). Mais il a la satisfaction d’avoir infligé de sévères dégâts.

Ce comportement est typique du Français. On le retrouve, par exemple, chez Tocqueville (Souvenirs) et Chateaubriand (Mémoires d’outre-tombe). Alors que tous les deux sont des favoris de leurs régimes respectifs, tous deux accusent les puissants d’être ce qu’ils sont, et leur jettent leur démission à la figure, se retirant sur leurs terres, pauvres mais fiers d’avoir gâché leur génie en martyrs.

Mais la victime a une responsabilité. 2 exemples :
  1. Marc Bloch (L’étrange défaite) sur la défaite de 40. D’un côté des usines paralysées par la grève, de l’autre des dirigeants militaires convaincus qu’ils sont entourés d’incapables. On accusait Dassault, semble-t-il, de faire de mauvais avions. Bizarrement, quand la guerre survient, on se rend compte qu’il en aurait fallu peu pour ne pas se faire balayer. Comme l’ont montré les quelques chars de De Gaulle (cf. biographie par Jean Lacouture), et une Angleterre, qui n’était pas tellement mieux préparée que la France. Et les Allemands ont voulu faire travailler Dassault pour eux. Ils trouvaient ses avions excellents !
  2. Cantines de mes lycées. Toutes dégueulasses. J’ai passé des années à manger des sandwiches. Avec le reste de ma classe (grande période de tarot !). Criminel de traiter aussi mal des enfants. Je suis sûr que les employés de la cantine nous auraient expliqué qu’ils étaient victimes. De qui ? D’une mairie communiste ?
Qu’auraient dû faire Tocqueville et Chateaubriand ? Croire en leurs idées. Et se demander comment les mettre en œuvre. Ils avaient certainement suffisamment d’amis pour cela. Mais c’étaient des individualistes. Ils ne savaient pas jouer collectif. Drame national.

Il est temps de changer. De comprendre que la victime peut faire plus de mal que le tortionnaire. Qu’elle n’est pas seule, et que si elle combine ses efforts avec ceux de ses alliés de fait, ils feront évoluer leur sort collectif pour le mieux. Il y a alors des chances qu’ils découvrent que leur tortionnaire est honnête et charmant.

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