vendredi 7 novembre 2008

Nous sommes tous des hypocrites !

Chaque civilisation enfante ce qui lui manque. L’Inde brûlante et brutale a sécrété la non-violence ; l’Occident égoïste et rapace, la religion du Dieu d’amour ; la Chine, passionnée et émotive, la recherche de l’harmonie. (Cyrille Javary, Le Discours de la Tortue, Albin Michel, 2003.)

En travaillant sur le rôle de la culture française dans le changement, pour mon dernier livre, j’en étais arrivé à une conclusion bizarrement similaire : finalement, ce que la société française était le moins était d’être libre, fraternelle et égale. Ses problèmes étaient là. Il existe une étude de James March sur les sciences du management qui montre qu’elles sont tout sauf des sciences. Mark Blaug dit la même chose de l’économie.

Une théorie d'Edgar Schein explique ces paradoxes. La société peut s’observer suivant trois angles :

  1. Ce qu’elle fait. Plus exactement ce qu’elle fait si l’on en extrait les petites perturbations, les aléas. On y voit alors que les membres de la société suivent des rites (métro, boulot, dodo…). Ce sont les artefacts.
  2. Ils s’expliquent par le fait que ces membres obéissent à des règles inconscientes : les hypothèses fondamentales (par exemple, « si problème alors réunion », ou « l’homme digne de ce nom doit conduire à tombeau ouvert »). En quelque sorte ces hypothèses sont une idéologie : ce sont des règles qui ont été absorbées parce qu’elles ont toujours rendu de bons services. Mais on n’a aucune preuve qu’elles sont universelles, « scientifiques ».
  3. Enfin arrivent les valeurs officielles. Ce que la société nous dit être bien. C’est le « politiquement correct ». Ce peut être des hypothèses fondamentales en cours de test. Mais si elles guident nos paroles, elles imprègnent rarement nos comportements. Nous ne savons pas comment les mettre en œuvre. Ce sont le très admiré code d’éthique d’Enron ou la bien pensance des Bobos. Nous n’aimons probablement pas ce que nous sommes et nous créons un idéal à l’opposé exact de nos défauts. Beaucoup de prêcheurs très bruyants sont des pervers. Mais, sur plusieurs générations, il arrive que nos actes suivent nos paroles. Un jour l’économie sera peut-être une science.
Compléments :

2 commentaires:

Herve a dit…

Les 35 heures proviendraient'elles d'un exces de travail?

Christophe Faurie a dit…

Profonde question...
Je rassemble quelques idées qui me viennent en tête :
1) Les 35h semblent s'inscrire dans un mouvement ancien qui assimile "avancée sociale" à réduction du temps de travail (cf. 36).
2) Dans ce sens les 35h étaient liées à un modèle de société de type "lutte des classes" qui correspondait plus au 19ème qu'au 21ème siècle.
3) dans ce modèle, il fallait protéger la "classe ouvrière" de la domination qu'elle subissait. Qui la plaçait dans des conditions de travail abjectes.
4) Il est possible que l'essentiel des idées socialistes ait été intégré à la société moderne (sécurité sociale...) notamment après guerre. Ce qui serait un exemple de "valeurs officielles" transformées en "hypothèses fondamentales".
De ce fait, l'intérêt d'une nouvelle réduction du temps de travail devenait de relative faible importance devant des maux apparus depuis.
5) Les 35h relique du passé ? Un combat mené par un courant politique qui n'aurait pas vu évoluer la France et qui aurait confondu le moyen (réduire le temps de travail) et la fin (améliorer la condition de l'individu) ? Un exemeple de ce que Merton appelait "ritualisme" ?