mercredi 26 novembre 2008

Idéologie et théorie économique

Réflexion sur l'importance de l'hypothèse dans la théorie économique.

La seule chose que l’économiste ne donne pas, ce sont ses hypothèses, or, elles conditionnent ses résultats.

Le modèle anglo-saxon.

La théorie économique dominante fait l’hypothèse que l’entreprise appartient à l’actionnaire, et que le management doit servir l’actionnaire. Le problème de l’économie devient alors : comment faire que le management ne vole pas le titulaire du droit de propriété ?

Le modèle du droit français.

Pour le droit français, l’entreprise est un être vivant. Par conséquent tout ce qui nuit à ses intérêts est condamné. Ceux qui participent à sa vie ont donc des devoirs avant d’avoir des droits.
Quelle théorie pourrait s’appliquer à ce modèle ? Probablement celui du bien commun. Dans cette théorie, on ne tire du bien commun qu’en fonction de son apport. Et la liberté d’entrée sortie est sévèrement réglementée. C’est un modèle « communiste ».
Bizarrement, il semble que ce modèle soit plus scientifique que le précédent. La sociologie et la théorie de la complexité considèrent que le groupe d’hommes est autre chose que ses composants, qu’il n’est la chose de personne, qu’il est une fin, et non un moyen, selon la terminologie de Kant.

Le modèle danois

Le modèle de la flexisécurité danois fait l’hypothèse implicite que le sort de l’employé n’est pas lié à une entreprise. En cela, il ressemble à l’investisseur, qui investit où bon lui semble. Tous les deux servent l’économie. C’est le modèle précédent, mais étendu à l’économie nationale.

Comment choisir le bon modèle ?

Pour choisir le « bon modèle » (en imaginant qu’il y en ait un) l’argument scientifique n’est pas adapté. D’ailleurs, je soupçonne que dans le cas anglo-saxon, le rôle de la théorie économique est moins d’atteindre la vérité scientifique que de d’affirmer qu’elle est respectée afin d’assurer la stabilité de l’édifice social, dont la base est probablement le droit de propriété. La science est l’opium du peuple. Marx n’avait-il pas appelé son socialisme « scientifique » ?

Celui qui gagnera sera le plus fort.

Par contre, les contradictions internes d’une culture peuvent lui être fatales. La tendance du modèle anglo-saxon à la « lutte des classes » est incompatible avec ce qu’il semble entendre par « valeurs démocratiques ». De même, il ne peut pas en même temps prêcher la religion de la science et aller contre ses conclusions. La solution trouvée jusque-là a été l’hypocrisie. Elle n’est pas durable.

Complément :
  • On se méprend souvent sur le rôle de la science. Par exemple la classe ouvrière anglaise a voulu montrer à ses gouvernants qu’ils n’étaient pas cohérents avec les principes qu’ils prêchaient. On lui a répondu que c’était sans importance. THOMPSON, E.P., The Making of the English Working Class, Vintage Books USA, 1966. La particularité de la pensée anglo-saxonne est qu’elle paraît non symétrique : elle ne s’applique pas à celui qui la formule. Et Dieu créa l'Anglo-saxon.
  • La théorie économique dominante semble cohérente avec un modèle d’organisation en classes sociales. Grande illusion. Les sociétés américaines et françaises tendent à s’organiser suivant ce modèle. Parallélisme France USA. Le jeune de la classe supérieure occupe une position élevée dans l’entreprise (cf. l’Ancien régime). De ce fait il n’en connaît pas le métier. Il ne peut donc pas la développer. Il enrichit son actionnaire, et lui-même, par d’autres moyens (Le gouvernement promeut le tutorat) : réduction salariale, bulles spéculatives qui le déconnectent un instant de la réalité (Crash de 29 : mécanisme).
  • Dans le modèle du bien commun, tous ceux qui contribuent à son entretien en sont propriétaires. Governing the commons
  • Sur les fondements du modèle anglo-saxon (et notamment l’importance du droit de propriété) : Droit naturel et histoire.
  • La nature que le droit français prête à l’entreprise surprend toujours l’entrepreneur qui ne comprend pas pourquoi on lui reproche de taper dans la caisse de l’entreprise qu’il a créée. MIELLET, Dominique, RICHARD, Bertrand, Dirigeant de société : un métier à risques, Editions d'Organisation, 1995.
  • Flexisécurité : Contre la participation de Laurence Parisot.

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