La note précédente me ramène à une idée sur laquelle je retombe régulièrement. Les USA et la France se ressemblent étrangement.
Ça m’a frappé lorsque j’ai lu la critique de Christopher Lasch des USA des années 90. On y voyait une société bureaucratique. Comme la France. Dans laquelle les études donnaient le pouvoir. Comme en France. Je n’aurais pas dû être surpris : c’est la thèse des universitaires du management : les USA sont dominés par la grande entreprise qui est une bureaucratie.
Ce livre disait aussi que l’État avait pris en charge ses citoyens, à tel point qu’ils avaient fini par oublier leurs instincts. En quelque sorte, une mère ne pouvait s’occuper de ses enfants sans notice d’instruction. En France aussi, l’État semblait porteur de l’avenir, son école a dissout ses cultures et ses langues locales, uniformisé ses citoyens, qui ont abandonné leurs familles, maintenant inutiles, pour le servir. C’est ce qui est arrivé à ma famille.
Dans les deux cas, lorsque la structure de l’État a faibli, ceux qui y avaient trop cru, se sont trouvés fort dépourvus. Dans les deux cas, l’utilisation judicieuse du système éducatif crée une société de castes : ceux qui ont été à l’université ayant des enfants qui iront à l’université (La France de Dickens?).
Le talon d’Achille des USA est sa production de masse, une technique très particulière, qui a longtemps fait son succès mais qui a été ébranlée par le Lean manufacturing. D’où les difficultés de l’industrie américaine depuis quelques décennies. Quand j’ai fait des recherches pour mon livre « les gestes qui sauvent », j’ai eu la surprise de découvrir que la France avait été, elle aussi convertie à la production de masse :
Histoire de l’industrie en France, de Denis Woronoff (professeur à la Sorbonne, directeur de recherche au CNRS), retrace les changements qu’a subis notre industrie. En particulier les plus récents : en quelques décennies la France a reconstruit une économie qui vivait de ses colonies et avait été anéantie par la guerre. Et cela grâce à un modèle taylorien de la production de masse. Conséquences : un développement de « pays émergent » et l’entrée dans le monde salarié de foules de nouveaux personnels (paysans, femmes, immigrés). Mais aussi « déqualification » du travail et déshumanisation de l’entreprise – d’où la forte participation du monde ouvrier aux manifestations de 1968.
C’est d’autant plus remarquable que le Français a longtemps refusé l’industrie, n’y travaillant qu’à temps partiel, et conservant généralement une activité agricole. C’est pour cela que notre pays n’a pas connu la révolution industrielle anglaise, et que sa classe ouvrière s'est formée tardivement.
Compléments :
- LASCH, Christopher, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy, Norton, 1995.
- WORONOFF, Denis, Histoire de l’industrie en France du XVIème siècle à nos jours, Le Seuil, 1994.
- NOIRIEL, Gérard, Les ouvriers dans la société française, Seuil, 2002.
- GM et Lean manufacturing
2 commentaires:
Ce sujet semblait être au coeur du débat de l'Université d'Eté du MEDEF 2008... En tout cas, il y avait plusieurs plateaux où le parallèle se posait. J'ai fait un billet sur Est-ce Que Les EU sont toujours un Géant... http://tiny.pl/858w -- et tous ont fait référence avec la France.
Merci pour l'idée (et le lien) !
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