Deux familles de techniques de conduite du changement ont voulu réformer les entreprises américaines. Toutes ont généré des Management fad qui se sont mal terminées.
- L'héritage de Taylor. Nous dicter nos actes par des procédures. Qualité totale, Knowledge management, Benchmarking, Reengineering, progiciels de gestion (ERP et CRM)…
- L’université américaine s’insurge. Les techniques précédentes sont « bureaucratiques ». Or la bureaucratie, c’est la rigidité et la rigidité ne résiste pas à l’innovation. La seule organisation adaptée à l’innovation est l’adhocratie, terme qui semble inventé par Henry Mintzberg. C’est une joyeuse désorganisation créatrice dont sortent des idées géniales. Le management de l’entreprise ne sert qu’à y mettre un peu d’ordre. C’est ce qu'on m'a dit à l’Insead en 92-93. Sous la nouvelle économie, l’adhocratie est devenue le marché : il fallait installer le marché dans l’entreprise. C’était le moyen de la rendre performante.
Curieux, n'est-ce pas : pour rendre efficaces leurs entreprises les Américains ont essayé la bureaucratie et le marché, pourquoi pas la démocratie ? En termes de technique de conduite du changement, la démocratie s'appelle l’ordinateur social. Il fonctionne comme le jury populaire à quelques ajustements près. Car la démocratie ce n’est pas le droit de vote, c’est le débat d’idées qui amène une nation à un consensus, qui n’est pas un compromis mais une nouvelle idée qu’a fait surgir le débat. L’ordinateur social c’est aussi l’adhocratie. Mais une adhocratie qui est limitée à un groupe de personnes et non une anarchie qui a gagné l’entreprise.
(PS. Depuis que j'ai écrit ce texte, j'ai découvert que Kurt Lewin, qui est à l'origine des travaux modernes sur le changement, pensait aussi que la démocratie était l'avenir du changement. Il ne semble pas avoir été entendu...)
Compléments :
- Le droit de vote n’est pas la démocratie pour plusieurs raisons. Il donne le pouvoir au plus nombreux. Ce qui n’est pas satisfaisant. Ensuite parce que le résultat dépend de la méthodologie de sélection choisie. Une constatation faite par Condorcet et peut-être par quelques prédécesseurs, et qui a valu quelques prix Nobel : GAETRNER, Wulf, A Primer in Social Choice Theory, Oxford University Press, 2006.
- En fait, l’adhocratie n’est autre que le fonctionnement de la « start up » archétype de l’entreprise innovante. Voir Aprimo et People Express.
- MINTZBERG, Henry, Structure et dynamique des organisations, Éditions d’organisation, 1998.
- La gestion de l’entreprise par le marché : HAMEL, Gary, Reinvent your company, Fortune, 12 Juin 2000. Voir aussi : Grande illusion.
- Sur le jugement par jury : Justice américaine.
- Sur Taylor : KANIGEL, Robert, The One Best Way: Frederick Winslow Taylor and the Enigma of Efficiency, Viking, 1998.
- Sur les ERP : DAVENPORT, Thomas, Mission Critical: Realizing the Promise of Enterprise Systems, Harvard Business School Press, 2000.
- Sur le reengineering : HAMMER Michael, Rengineering Work: Don’t Automate, Obliterate, Harvard Business Review, Juillet - Août 1990.
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