- Je crois avoir compris que la philosophie est vue comme une sorte de socle qui forme la pensée et permet d’aborder d’autres disciplines. L’équivalent des mathématiques pour les ingénieurs. Raymond Aron, Émile Durkheim et Claude Lévi-Strauss, par exemple, étaient des philosophes.
- Le travail du philosophe semble être un travail de raisonnement solitaire. Il part de textes et en fait des développements subtils. Un peu comme un mudicien de Jazz. Ces développements suivent sûrement des règles précises : l’amateur sait les apprécier. Mais ces règles ne sont pas celles de la science, qui veut que tout raisonnement tienne compte d’autres résultats scientifiques, et que toute prédiction puisse être testée.
Exemple : Traité de l’efficacité de François Jullien. Il donne une vision de la Chine caricaturale et partiale, qui ne correspond pas à ce qu’on peut en voir par ailleurs. Quant à La civilisation chinoise de Marcel Granet, qui semble demeurer un fondement de l’école sinologique française, un de ces critiques étrangers la traitait de « poésie ». Marcel Granet aurait rejeté tout autre moyen d’étude de la civilisation chinoise que les textes anciens (en particulier l’archéologie). - En regardant un texte d’introduction à Kant, j’en suis arrivé à la conclusion que ce n’était pas un texte d’introduction. En effet, on y développe une interprétation de l’œuvre de Kant qui n’est pas compréhensible sans études préalables. En fait, l’enseignement de la philosophie doit venir de la parole du maître. Une parole complexe, sans concession, que seuls quelques élus arrivent à pénétrer (ou à répéter ?). Je m’interroge. Est-ce que la philosophie telle qu’elle est enseignée en France est un savoir ? Ou est-ce un moyen de sélection ? Le moyen d’entrer dans un monde à part, celui de l’intellectuel ? Un monde qui, comme celui de la chevalerie, a des règles extrêmement complexes, qui n’ont qu’une relation lointaine avec son objectif apparent (la guerre pour la chevalerie) ? D’ailleurs, le philosophe n’a-t-il pas un langage propre ? Un langage précieux et recherché (il adore le « dès lors »), mais qui ne correspond à rien de ce qui a fait la gloire de la littérature française.
Pourra-t-il s’adapter au monde moderne, et nous faire profiter de ses traditions, ou disparaîtra-t-il comme les Incas, les indiens d’Amérique, la noblesse d’Ancien régime et la chevalerie ? Dans le changement qui lui est nécessaire, a-t-il besoin d’un « donneur d’aide » ?
Compléments :
- GRANET, Marcel, La civilisation chinoise, Albin Michel, 1994 (première édition 1928).
- JULLIEN, François, Traité de l’efficacité, Le Livre de Poche, 1996.
- BILLETER, Jean-François, Contre François Jullien, Alia, 2006.
- LACROIX, Jean, Kant et le Kantisme, Que Sais-je ?, 1966.
- Sur les règles de la chevalerie, qui semblait considérer la bataille comme une partie d’échecs (dont la règle est de tuer le roi adverse) : DUBY, Georges, Le Dimanche de Bouvines, 27 juillet 1214, Gallimard 1985.
- TOCQUEVILLE (de), Alexis, De la démocratie en Amérique, Flammarion, 1999.
- La technique du paradoxe : Démocratie américaine.
- Sur le rôle du donneur d’aide dans le changement : Tigre tamoul.
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