jeudi 1 octobre 2009

Capital risque

La performance réelle du capital risque me prend par surprise. On y dit que le capital-risque américain est triomphant (et que le nôtre, européen, aurait besoin de s’en inspirer).

Je pensais le contraire. Un article que je citais dans un billet estimait à un tiers le nombre de fonds de capital risque qui allaient disparaître aux USA, les fonds gérés étant divisés par 2. Je connais du monde dans ce métier, et il n’est pas heureux. D’ailleurs la dernière fois que j’ai rencontré un capital risqueur, la semaine dernière, il cherchait un emploi.

Il est certain que l’industrie du capital risque américaine est forte. Mais est-elle efficace ? Je ne parle ici que du domaine que je connais : les technologies de l’information.

  • On oppose généralement le capital risque à l’état. Or, les deux sont composés des mêmes types de personnels. C'est-à-dire de gens qui ont été sélectionnés pour leurs diplômes. Les risqueurs de capitaux n’ont pas construit leur fortune sur leurs investissements, mais sur notre crédulité. D’ailleurs, comme le montrent chaque bulle, ce sont des moutons.
  • Quelle est la rentabilité des investissements que fait le capital risque ? Pendant la bulle Internet, les fonds qui ont fait de bonnes affaires étaient ceux qui avaient vendu leurs participations (souvent à leurs collègues) avant le crash du Nasdaq. Il est probable qu’il en a été de même récemment (voir le billet que je cite plus haut). D’ailleurs, qu’est-ce que leurs investissements ont apporté d’entreprises durables au monde ? La start up donne rarement une entreprise, le plus souvent elle est absorbée par une multinationale, ce à quoi elle survit rarement. J’ai donc la ferme intuition que la contribution sociale du capital risque moderne, prise sur le long terme, est nettement négative. Le capital risque sert au mieux à faire passer de l’argent de la poche du public dans celle des employés des fonds. Et il a eu l’effet pervers de convaincre les entrepreneurs qu’ils devaient faire rapidement fortune. Une génération d’entre eux ne rêve que de retraite à 40 ans. Quelle est la qualité, la solidité de ce qu’ils ont créé, dans ces conditions ? Était-il si honteux de vouloir fonder une belle société pour ses petits enfants (plus exactement « a great company for my great grand children »), comme le pensaient les inventeurs d’IBM ?

Compléments :

  • Goldman Sachs donne un des plus extraordinaires exemples du détournement de fonds que fut la bulle Internet : la mise en bourse de start up qui pour la plupart ne furent pas plus qu’un feu de paille, a rapporté à cette banque d’énormes bénéfices.
  • Il me semble qu’il faut revoir les méthodologies de valorisation des entreprises technologiques. Traditionnellement leur valeur est celle du cash actualisé qu’elles génèrent pendant quelques années + une « continuing value » qui est, traditionellement, la valeur de la dernière année supposée se répéter jusqu’à l’infini. (COPELAND, Thomas E., KOLLER, Tim, MURRIN, Jack, et McKinsey & Co, Valuation: Measuring and Managing the Values of Companies, John Wiley & Sons Inc, 2000.) L’expérience montre qu’il n’y a pas de « continuing value » dans l'IT. Ce sur quoi parient sans doute le capital risque et l’entrepreneur est qu’un gogo gobe l'idée d'une « continuing value » et surpaie la société, qui crèvera peu de temps après l’achat.

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