Rovan, Joseph, Histoire de l’Allemagne, Seuil, 1999. Voici l’histoire de l’Allemagne vue par un Allemand. J’en retiens :
- Une définition inattendue de la germanité, à laquelle pas grand-chose de l’Europe n’échappe. C’est avant tout l’empire de Charlemagne, dont la vocation était d’être le protecteur du christianisme et de la civilisation occidentale, d’être « au dessus » des autres États. C’est aussi les territoires qui ont été conquis par les Germains. L’Allemagne et l’Autriche en premier, mais aussi, pas loin, Les Pays Bas, la Suisse, la Flandre, l’Alsace, la Lorraine, la Bourgogne, la Provence (ex Lotharingie). Et les pays frères : Angleterre et les pays nordiques. La France a mal tourné, ses rois francs ayant été assimilés par leurs administrés. Mais il y a aussi les anciennes colonies de l’Est.
- Ces prétentions à l’immensité se sont heurtées à une structure étatique fragile. Empereurs faibles, élus, trois siècles de lutte avec le Pape… Puis, réforme de Luther, qui débarrasse l’Allemagne de son lien avec Rome, et éclatement de l’empire en principautés fortes et homogènes. Depuis toujours, l’essence de l’Allemagne c’est le fédéralisme. La guerre de Trente ans puis les guerres révolutionnaires transforment l’Allemagne en une sorte de non man’s land. Elles suscitent une réaction de révolte contre la France, qui devient l’ennemi héréditaire.
- La nation allemande se construit contre les principes de la France révolutionnaire, démocratie, raison, individualisme, universalisme. C’est avant tout un montage théorique, fait par des universitaires. On réinvente un passé moyenâgeux glorieux, « une communauté de sang et de destin », un peuple ayant une supériorité biologique, un droit à l’hégémonie européenne, qui « devra se donner un mode d’être politique qui lui soit propre », une histoire tragique faite de « machinations et de trahisons ». Tout ceci est mû par une volonté de « force et de puissance », mais aussi par le succès matériel.
- Bismarck tente de réaliser cette nation. Mais, bien que brillamment orchestrées, ses manœuvres séparent définitivement Allemagne et Autriche, et laissent un édifice fragile aux prises aux forces centrifuges (notamment Alsace Lorraine, qu’il a été forcé à acquérir par son opinion), causes des futurs conflits et de l’extension territoriale actuelle, réduite au minimum, de l’Allemagne.
- Le demi-siècle d’après guerre a été avant tout motivé par la recherche de « calme » et « d’ordre ». Mais, quelles seront les forces qui pousseront l’Allemagne dans les prochaines décennies ? Joseph Rovan semble penser que sans Europe forte, « une vraie puissance politique et militaire », l’Allemagne pourrait choisir « une voie nationale particulière ». Mais laquelle ?
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