mercredi 24 septembre 2008

The logic of collective action

Soit des être humains poussés par leur seul intérêt et procédant de manière rationnelle ; supposons qu’ils veuillent acquérir un « bien commun », un bien qui, lorsqu’il est obtenu, profite à tous. Que se passe-t-il ? Voici le problème que pose le livre dont il va être question.

Préliminaire. Qu'est-ce qu'un bien commun : un pont, un salaire élevé pour des employés… il n’y a pas beaucoup de biens qui ne soient pas communs…

Le comportement du groupe d'individus rationnels
Plusieurs situations peuvent se présenter :
  • S’il y a un acteur qui a la capacité de payer le coût (total) nécessaire à l’obtention du bien, il aura tendance à le faire. Du coup, il acquerra une quantité optimale eu égard à ses intérêts. Les autres en profiteront gratuitement. Le faible exploite le fort. Mais la quantité de bien commun obtenue ne sera pas aussi élevée que s’ils avaient coordonné leur action. Par exemple un industriel local fera bâtir une route pour ses camions, mais la route sera étroite et mal entretenue.
  • Un petit groupe aura tendance à acquérir le bien commun. Alors qu’un groupe important ne fera rien : l’action de chacun de ses membres a si peu de conséquence qu’il ne bougera pas. Deuxième conséquence inattendue : la force d’un groupe est fonction inverse de sa taille.
  • Le petit groupe tend à se coordonner d’autant mieux que le bien commun est « exclusif », c'est-à-dire que sa quantité est finie. Si un industriel ne joue pas l’équipe et que ses concurrents tentent de maintenir un prix de vente élevé en ajustant leur production, il finira par occuper la totalité du marché, les autres étant à 0. Dans ces conditions : ils ont tous intérêt à s’observer de près. C’est ainsi que les groupes de pression les plus puissants semblent être les oligopoles industriels. Mais ils ne sont efficaces qu'en ce qui concerne leur activité (par exemple leur pouvoir n’en fait pas nécessairement une menace pour la démocratie).
Comment un grand groupe peut-il être efficace ? Par la contrainte, ou l’incitation. Par exemple l’adhésion à un syndicat peut être obligatoire, ou il peut apporter des bénéfices (assurance…) qu’on ne trouve pas ailleurs.

Commentaires: 
  • Les lois du marché sont naturellement instables. Ce texte signifie qu'il est idiot de penser qu'un marché puisse s'équilibrer naturellement et donner le meilleur des mondes. Soit vous avez un grand nombre de concurrents et ils se massacrent, c'est instable. Soit vous avez peu d'entreprises et elles s'entendent, il n'y a plus de concurrence.
  • L'explication de la lutte des classes ?  Ce que j'ai compris de la Révolution industrielle.
    • Un des actes marquants de la révolution industrielle anglaise a été la suppression des corporations qui protégeaient les artisans. Par ailleurs la société anglaise est individualiste, elle s’est donc retrouvée avec une masse de gens non coordonnés, donc incapables de défendre un quelconque intérêt commun. En face d’eux il y avait un petit nombre de personnes que leur intérêt naturel  poussait dans la même direction, sans besoin d'alliance explicite.
    • Parler de « classes » serait donc faux. Il n’y a pas de réelle appartenance à quoi que ce soit. Un riche peut devenir pauvre, sans être secouru. Un nouveau riche sera accueilli favorablement par ses nouveaux pairs. Ce modèle concentre la richesse entre les mains d’un petit nombre. Dès que ce groupe s’étend trop, il perd tout pouvoir.
Intriguant.

Compléments :
  • OLSON, Mancur, The logic of Collective Action : Public Groups and the Theory of Groups, Harvard University Press, 1971.
  • Cette analyse est complémentaire de celle de Governing the commons, qui explique comment un grand groupe peut contraindre ses membres à coût minimal (auto organisation)
  • Révolution industrielle : THOMPSON, E.P., The Making of the English Working Class, Vintage Books USA, 1966.
  • Adam Smith, dans La Richesse des Nations, penche pour des accords explicites entre concurrents. Ce qui n’en fait pas une classe : aucun d’eux ne sacrifierait son intérêt pour celui de ses partenaires.

2 commentaires:

Minter a dit…

La gestion d'une petite équipe est naturellement plus facile qu'un grand groupe (d'où le concept diviser pour mieux régner). De même que de garder souder une culture d'entreprise (et éviter la politique nuisible) est plus facile dans une petite entreprise que dans un grand groupe. Le tout est de savoir comment l'étaler une fois le petit groupe (à l'intérieur d'un grand) est constitué. Là, il y a un vrai travail à faire.

En dehors de se réunir autour du bien commun, il y a un aspect fédérateur de partager les mêmes valeurs -- bonnes ou mauvaises. Et, en travaillant sur les valeurs, ça peut permettre de dépasser l'objectif du bien commun. Mais en tout cas, c'est un vrai et beau sujet.

La photo de l'aviron en haut me renvoie vers l'article de Mark de Rond (orgtheory.net) sur comment Cambridge a gagné le BOAT RACE... J'ai écrit un billet sur le sujet -- les leçons a tirer pour le management... http://tiny.pl/88g2

Christophe Faurie a dit…

L'idée du livre est de voir ce que donnent des gens laissés à leurs appétits individualistes.
Je suis tout à fait d'accord que si l'on veut construire une équipe performante, on doit la "fusionner", lui faire partager des valeurs communes. Plus elles sont "nobles", plus elle est motivée et efficace. C'est peut-être bien ça le coeur de mon métier !
Et il se trouve que j'ai ramé à Cambridge (mais pas dans la boat race) ! Et que l'exemple que je prends le plus volontiers pour expliquer l'événement qui crée une équipe vient de mon (difficile) apprentissage de l'aviron !